Alors qu’elle menait des recherches sur une série de meurtres perpétrés par des femmes dans le Sydney d’après-guerre (pour son film Recipe for Murder, sorti en 2011), la réalisatrice Sonia Bible est tombée sur l’histoire de Rosaleen Norton, une artiste australienne des années 1950 ostracisée par les médias du pays pour ses pratiques occultes.
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Tout commence au sortir de l’adolescence, pour Rosaleen. Elle quitte le domicile de sa famille conservatrice pour loger dans divers squats de la banlieue de Sydney, rapporte le Guardian. Avant ses 25 ans, elle commence à pratiquer des rituels, à invoquer des sortilèges et à consommer “des substances dans le but d’atteindre une forme supérieure de conscience”. Plus tard, elle se met à la “magie sexuelle”, inspirée par Aleister Crowley.
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Ses croyances et pratiques occultes infusent son art. Ses œuvres fourmillent de représentations de femmes nues, de serpents, de démons à cornes et du dieu Pan, créature chimérique, mi-homme mi-bouc. On raconte que, dès ses 16 ans, la jeune fille se serait fait virer d’un hebdomadaire local pour ses illustrations jugées trop “controversées”. Toute sa vie, l’artiste sera au cœur de polémiques et controverses, la faisant notamment passer pour une adoratrice de Satan sacrifiant des animaux.
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Une artiste trop avant-gardiste ?
Fascinée par l’univers et la liberté d’esprit de la peintre, Sonia Bible a réalisé un documentaire en son honneur, afin de mettre en lumière son “génie, caché par les scandales”. The Witch of Kings Cross veut remettre en perspective la vie de Rosaleen Norton, elle qui, à quelques années près, aurait pu être érigée en figure de proue de mouvements artistiques libérateurs, selon la réalisatrice :
“Si elle s’était lancée dans les années 1960, avec l’explosion des contre-cultures et du féminisme, elle aurait été comme Brett Whiteley [artiste australien célèbre à l’international et décédé en 1992, ndlr]… C’était une avant-gardiste qui avait un impact sur les gens, elle les inspirait. Des jeunes allaient jusqu’à Cross [son quartier, ndlr] pour la trouver.”
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Le documentaire est un patchwork mêlant entretiens avec des personnes ayant connu Rosaleen Norton, extraits de ses journaux et images de ses œuvres “inédites” appartenant à des collections privées. Ces témoignages dialoguent avec des parties mises en scène et rejouées par l’actrice Kate Elizabeth Laxton.
Pour Sonia Bible, raconter – 42 ans après sa mort – l’histoire de Rosaleen Norton était nécessaire, d’une part pour préserver la mémoire de ses contemporain·e·s, mais aussi pour répondre à “la nouvelle vague de féminisme d’aujourd’hui”. “The Witch of Kings Cross célèbre l’individualisme féroce de Rosaleen, remet en lumière son art visuel emblématique mais sous-estimé et révèle ses références classiques, notamment musicales.”
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Ostracisée et diabolisée par la police et les médias de l’époque, Rosaleen Norton (un “génie incompris”, pour la réalisatrice) a vécu “la vie qu’elle voulait”, n’oublie cependant pas de préciser Sonia Bible au Guardian : “Les gens avaient pitié d’elle : ‘cette pauvre femme qui vivait à Cross avec ses chats’, mais, dans les années 1960, elle prenait de l’acide en réalisant des œuvres. Elle était très heureuse.”
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Le documentaire The Witch of Kings Cross est disponible en ligne.