2019 signe le retour d’une tendance qui n’a pas pu vous échapper : le western. Que ce soit dans les défilés, la musique, les séries, le cinéma et même du côté des influenceur·se·s… l’inspiration du Far West est partout. Cette renaissance des looks de l’Amérique du Nord du XIXe siècle résulte de l’émergence de toute une flopée de phénomènes issus de la pop culture depuis 2016. Entre santiags et mythiques Stetson, décryptage de cette réapparition discrète, mais néanmoins massive.
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2016 : Westworld et Raf Simons en précurseurs
Tout commence en octobre 2016, avec la diffusion de la toute première saison de la série Westworld, inspirée d’un film éponyme des années 1970. Réalisée par les grands J. J. Abrams, Jerry Weintraub et Bryan Burk, celle-ci devient très vite un énorme succès commercial, en dépit d’un scénario pourtant bien complexe. L’Amérique ne le sait pas encore, mais la fameuse série deviendra plus tard, le point d’orgue de ce renouveau du western dans la pop culture. Robes paysannes, bandanas, double denim : le parc d’attractions, au centre de la série, se situe dans l’ouest américain du XIXe siècle, malgré son caractère futuriste.
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L’année suivante, le créateur de mode Raf Simons, alors fraîchement nommé directeur de création chez Calvin Klein, use, consciemment ou non, des codes imposés par Westworld. C’est le début d’une nouvelle tendance – de simples chemises à la Fashion Week de New York en 2017 jusqu’à la célèbre botte de cow-boy à motif “vache” en 2018.
Le designer réinvente les traditions du style western et les modernise en jouant sur les formes du vêtement, souvent larges, ainsi que sur les textures. Très vite, les autres défilés trouvent un intérêt certain à l’initiative et tentent eux aussi de remettre les cow-boys au goût du jour : la marque Chloé en 2018 propose un ensemble fait de broderies western ; plus tard, c’est Coach qui dédiera un défilé entier à cette nouvelle influence, en utilisant notamment de nombreuses franges.
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Puis, retour à l’envoyeur, Calvin Klein signe de nouveau son défilé automne/hiver 2018 sur le décor d’une ancienne grange, toujours accompagné de Raf Simons. Ce dernier estime que ce choix est un moyen de lier l’ancienne Amérique à celle du XXIe siècle, qu’il méprise pour son manque de liberté. Première étape donc, de laquelle découlera un ensemble de références culturelles lié au style western.
De 2016 à 2018 : une lente ascension
Mais avant que le Far West n’ait définitivement la cote, il y a eu la popularisation de Netflix qui, pas à pas, se mit à sortir des longs-métrages dans la même veine que la série HBO. Quoi de plus normal après de pareils chiffres ? Qu’ils soient produits par les studios de la plateforme elle-même ou directement achetés à d’autres productions au vu de leur potentiel, Netflix comprend vite la hype à laquelle les westerns commencent à être confrontés.
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De The Hateful Eight de Tarantino à La Ballade de Buster Scruggs des frères Coen primé au festival de Venise en 2018, en passant par la série Godless, produite par Netflix, les métrages inspirés de l’ouest américain pullulent, et sortent en grande pompe.
Par le streaming, le genre s’achète une nouvelle vision, à travers laquelle le cow-boy devient un gangster violent mais pourvu de valeurs, et qui parvient sans effort à tuer un peu près tous les vilains, toujours vêtus de leur veste en daim. Certains classiques ont même été remis au goût du jour, le succès de Django Unchained en 2012 ayant ouvert la voie. On pense notamment à Il était une fois dans l’Ouest, qui s’offre depuis des diffusions très régulières sur les télévisions ou encore à Géronimo, récemment ajouté sur Netflix.
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Du coup, l’année passée, le look western était de mise au festival Coachella, connu pour regrouper tout un lot de célébrités et influenceur·se·s du monde entier. Que ce soit Rihanna et ses cuissardes-santiags, la mannequin Alessandra Ambrosio, ou encore Justin Bieber et son fameux bandana, l’évènement californien fut directement inspiré des évènements de l’année précédente.
Par ailleurs, les revues de mode titrent sans hésitation sur “le grand retour du western”. Selon Laurel Wilson, professeure étudiant la sociologie des textiles, “le renouveau du style cow-boy est directement lié à un sentiment d’insécurité ou de patriotisme extrême aux États-Unis”, sentiments qui pourraient directement découler de l’élection de Donald Trump.
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2019 : la résurrection
Une chose est sûre, depuis la fin de 2018, le mot est sur toutes les lèvres. La faute aussi à Red Dead Rédemption II, qui s’offrait une sortie mondiale en octobre. Le jeu vidéo devient très vite un des plus vifs succès de l’industrie, et annonçait fièrement avoir vendu plus de 23 millions d’exemplaires en février, soit en près de quatre mois.
Pour réaliser l’ampleur du phénomène, on se contentera de dire que c’est un peu près ce qu’a vendu GTA IV en pas moins de dix ans. Du coup, tout tourne autour du jeu, de la bande originale, du look du personnage principal jusqu’à quelques polémiques rapidement étouffées. Le périple d’Arthur Morgan force le respect et parvient sans effort à susciter l’intérêt de toutes les classes sociales.
Et comme une tendance ne pointe jamais le bout de son nez sans que quelques malins ne surfent dessus, le plus audacieux d’entre eux sera à l’origine du fameux titre “Old Town Road”. Sorti de nulle part, le surnommé Lil Nas X dépense toutes ses tunes dans une instrumentale aux vibes folk et réalise ce qui a tout du morceau de l’année 2019.
La track en est à sa 12e semaine consécutive en haut du Billboard… Sur des airs de country, le jeune homme y balance ses rimes, directement inspirées de l’illustre jeu vidéo, et par la même occasion, du Far West. Face à un buzz si conséquent, il parvient même à s’attirer les bonnes grâces de la star de la country, Billy Ray Cyrus, avec qui il décide de retaper un peu le titre. Résultat : les retombées sont d’autant plus folles, “Old Town Road” pulvérise tout sur son passage et se pourvoit, bien que tardivement, d’un clip surréaliste.
Celui-ci y reproduit – sans surprise – l’univers de Red Dead Redemption II, et fait renouer le public avec le western, longtemps sous-estimé. Chapeaux de cow-boys et looks de la Californie du XIXe siècle obligent, Lil Nas X constitue dès lors la pierre angulaire de cette récente fascination, et s’amuse à l’alimenter sur les réseaux sociaux (où toutes ses tenues reprennent les codes du western).
Avec sa notoriété grandissante, il s’éprend avec audace de l’univers de la mode et s’approprie les outfits inspirés du Far West. Les vestes à franges aux couleurs flashy sont de rigueur, parfois même associées à des imprimés fleuris ou félins. Certains médias à l’image de Vogue iront même jusqu’à le caractériser de “future icône de la mode”. Rien que ça ! De quoi inspirer n’importe quel grand couturier, n’est-ce pas ?
C’est pour l’ensemble de ces raisons – la dernière n’étant pas des moindres – que les défilés des Fashion Weeks printemps-été 2020 ont revendiqué sans gêne des influences “Wild West”, comme les Américain·e·s préfèrent l’appeler. Versace à Milan revisitait les traditionnelles vestes à franges en utilisant des empiècements en cuir, tandis que la prometteuse marque S.R. STUDIO. LA. CA. proposait un total denim dont les taches d’acide rappelaient les anciens imprimés vaches de l’époque. Mais cette fois, la liste est longue, voire unanime. La tendance western est l’essence de cette Fashion Week, même en petites touches, comme pour le défilé AMI, qui la distille avec parcimonie.
Mais surtout, c’est sur les écrans que la résurrection s’effectue. Pas une session frénétique de scroll sur Instagram n’arrive à échapper à un outfit de cette veine, notamment à la ceinture dite “boucle western” qu’on a vue partout récemment. Et puis, force est de constater que les célébrités ne lâchent pas non plus l’affaire, jusqu’à Bill Murray, qui posait en janvier dernier sur un selfie pour Ft. Lonesome, une marque que les Américain·e·s s’arrachent.
Vraisemblablement, on n’en serait alors qu’aux prémices d’une tendance qui pourrait bien s’éterniser sur de longues années, tant elle a été significative pour la mode aux États-Unis et dans le reste du monde (le jean évidemment) par le passé. Elle pourrait continuer à l’être, si les designers de mode conservent cette envie de vouloir la réinventer. Et tout ça, on le doit à la pop culture, qui répand massivement les codes de ce style vestimentaire prépondérant sur la Toile.