Olena Morozova s’est sentie quelque peu désemparée lorsqu’on a diagnostiqué à sa “grand-mère bien-aimée” une démence. Forte de sa passion pour la photographie, elle s’est emparée de son appareil au début de l’année 2019 pour accompagner son aïeule et immortaliser les moments où cette dernière confiait son agitation intérieure et ses “visions”.
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Réaliser une série si intime, sur un sujet si difficile à appréhender – d’autant plus lorsqu’il touche des personnes aimées –, n’a pas été de tout repos pour l’artiste. Elle a voulu mettre en images l’évolution mentale de sa grand-mère mais aussi sa propre position de témoin face aux “métamorphoses” de cette dernière : “D’une gynécologue remplie d’énergie et d’enthousiasme à une patiente épuisée par la perte d’elle-même […]. Il n’y a pas de fin heureuse à ce combat, la maladie gagne à tous les coups et cette angoisse est visible.”
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Collaborer sur un projet artistique a cependant permis aux deux femmes d’adoucir un quotidien rongé par la maladie : “J’ai pu la soutenir à un moment très difficile pour elle, de façon qu’elle ne se sente pas comme une vieille femme seule et folle.”
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Accompagnée de ses enfants, Olena Morozova profitait de ses visites à sa “Granny”, pour la photographier, l’écouter et parler de la maladie “afin qu’elle ne perde pas contact avec la réalité” : “Ces moments de partage sont précieux. [L’écouter parler] de sa lutte contre ‘l’obscurité’, de ses visions concernant sa vie passée – une enfance militaire, une jeunesse intéressante, une pratique médicale dans les conditions inhumaines de l’arrière-pays russe – […] représente l’essence de ce projet.”
Pour représenter les “changements mentaux” de sa grand-mère, ses allers-retours entre passé et présent, entre monde réel et visions, Olena Morozova a agrémenté certaines de ses images de broderies et de coups de pinceau : “Elle adorait coudre des vêtements et broder des images, il y avait toujours du fil chez elle. Pour moi, le fil est une métaphore des connexions entre les générations. Puis, le fil, ça s’emmêle et ces nœuds représentent un esprit emmêlé.”
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Imprégnées de tons rouges, d’ombres et de lumière, les photographies marquent l’amour de la photographe pour le partage d’émotions ambivalentes : “Le rouge est la couleur de l’énergie, de la vitalité, du désir de se battre, d’agir, d’accomplir ce qu’on veut. Mais c’est aussi la couleur de sang, de la défaite, de la destruction. Et j’adore les lumières dures, les contrastes marqués en photo.”
Olena Morozova décrit de façon viscérale la genèse de son projet : “Ce n’était même pas supposé être un projet à l’origine. Je ressentais juste le désir de photographier ma grand-mère. Je pense que c’est pour ça que les photos sont naturelles, honnêtes, sincères. C’est sans doute pour cela qu’elles ont trouvé écho auprès de nombreuses personnes.”
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Au-delà du public et de la presse (à l’instar de Libération, qui a consacré un article à la série), les images ont conquis “Granny” elle-même, bien qu’elle ne se soit pas reconnue sur toutes les photos “parce qu’elle se souvient d’elle comme d’une jeune femme, donc elle ne reconnaît pas la vieille femme visible sur les photos”.
En plus de nous faire entrer dans son intimité, l’artiste souhaite convaincre son public de prendre soin de ses proches : “Les personnes âgées ont besoin de votre attention, de votre compréhension, de votre soutien. Quand les hallucinations fusionnent avec la réalité, quand une personne ne voit plus la différence entre la réalité et le rêve, c’est toujours effrayant. Et pour que les vieilles personnes ne deviennent pas complètement folles, elles ont besoin de l’attention de leurs proches, elles ont besoin de votre aide.”
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Vous pouvez retrouver le travail d’Olena Morozova sur son site et sur son compte Instagram.