Après quelque temps passé à l’étranger, Rodrigo Oliveira est rentré à Rio de Janeiro, sa ville natale, juste avant l’élection du président actuel, Jair Bolsonaro. Le photographe se souvient de la “menace pour le bien-être des minorités au Brésil” (notamment des “personnes de couleur queers”) qui planait avec l’arrivée de “ce conservatisme d’extrême droite”. “Le sentiment d’incertitude, de peur et de frustration… Imaginer le futur de notre pays aux mains d’un génocide, tout cela nous hantait. Au début, la tension était palpable tout autour de nous.”
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L’artiste brésilien est rassuré dès lors qu’il assiste de nouveau à des soirées queers et observe “le sentiment d’espoir qui émanait malgré tout des communautés racisées queers de Rio”. “Je me suis rendu compte que les gens n’avaient pas perdu espoir, c’était comme si tout le monde évacuait sa frustration en dansant. Cette énergie m’a captivé et m’a motivé à créer une série montrant qu’on existe et qu’on résiste, qu’importe ce qui menace notre liberté.”
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Déconstruire et démarginaliser
Dans sa série Carioca, Negro & Queer, Rodrigo Oliveira présente des modèles venant des périphéries et favelas de Rio afin de déconstruire des clichés qui ont la vie dure, rappelait-il à It’s Nice That. Il nous confie avoir rencontré la plupart de ses modèles lors de soirées ou sur Instagram et avoir, en général, fini par se lier d’amitié avec ces personnes. Ses images, prises sur le vif le plus souvent, reflètent sa proximité avec ses sujets et mettent en lumière leur enthousiasme, aussi insouciant que militant :
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“Pendant les soirées, en général, on ne peut pas vraiment communiquer verbalement. Si je ne photographie pas directement quelqu’un en train de vivre son moment, on parle avec le regard. Puis, je pointe mon appareil photo dans sa direction et il pose comme il veut. […]
Hors des soirées, je préfère travailler uniquement en lumière naturelle. J’aime que les choses soient le plus organique possible. Je laisse les personnes qui posent libres de leurs mouvements, de façon à ce qu’elles soient le plus à l’aise possible avec leur corps. Je trouve ça important qu’elles aient l’impression de vraiment projeter leur individualité à l’appareil, c’est ce que je veux montrer.”
“Je photographie ce que je ressens, pas ce que je vois”
L’attention que porte Rodrigo Oliveira à la lumière naturelle de ses images va de pair avec son amour de la couleur et la façon dont ces deux composantes définissent “l’ambiance d’une image” et les émotions qu’elle peut faire ressentir. “C’est important parce que […] je suis une personne sensible et mon travail l’est aussi. Je photographie ce que je ressens, pas ce que je vois.” Bien que sa série soit “en pause” pour le moment (à cause de la pandémie de Covid-19), Rodrigo Oliveira ne compte pas l’arrêter là :
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“J’espère que mon travail pourra éloigner ma communauté de la condition marginale à laquelle elle est rattachée. Je veux que les gens nous voient avec dignité et nous traitent avec respect. Je veux que les personnes noires soient représentées dans les médias mais aussi qu’elles sortent de la pauvreté.
Je veux que la communauté transgenre ait les mêmes droits et les mêmes accès que tout le monde. Je veux que mes images transmettent de la force. Une force destinée à mes semblables, que ma communauté prenne conscience qu’elle a en elle le pouvoir de se battre”, affirme avec emphase le photographe.
Ses portraits racontent l’espoir, l’affirmation de soi et la joie, tout en pointant cependant du doigt les réalités bien douloureuses vécues par les communautés transgenres.
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“Le nombre d’homicides contre des personnes transgenres est alarmant, les violences policières sont aussi présentes qu’aux États-Unis, mais on en parle moins aux infos. Les gens doivent y être confrontés parce que, sinon, rien ne changera.”
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Vous pouvez retrouver le travail de Rodrigo Oliveira sur son compte Instagram et sur son site.