Quatre ans après l’immense succès de l’exposition Chtchoukine, la Fondation Vuitton présente une autre collection de chefs-d’œuvre, acquis au tournant du XIXe siècle par deux frères russes, les Morozov. Trois fois reportée à cause de la pandémie mondiale, cette exposition est l’événement artistique (et parisien) de la rentrée et a enfin pu être inaugurée.
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La collection Morozov présente 200 tableaux, sculptures, photographies et constitue le deuxième volet consacré aux grand·e·s collectionneur·se·s russes, après l’exposition sur Chtchoukine qui avait attiré 1,29 million de visiteur·se·s en 2016, un record.
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Pour cette exposition, le public fait la connaissance du “clan Morozov”, famille et ami·e·s des frères Mikhaïl et Ivan. Au fil des salles, s’alignent des œuvres de Manet, Renoir, Toulouse-Lautrec, Derain, Munch, Machkov, Monet, Bonnard, Vuillard, Rodin et Van Gogh.
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L’histoire des frères Morozov
Qui étaient ces collectionneurs qui ont su reconnaître, dans l’effervescence du tournant du XIXe siècle, des artistes devenus stars des musées ? Mikhaïl et Ivan Morozov naissent en 1870 et 1871 dans une famille moscovite d’industriels du textile, d’origine serve et de religion orthodoxe vieux-croyant.
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Leur mère leur donne une éducation artistique, avec cours de dessin par des artistes russes venus se former à Paris et familiers des impressionnistes. C’est peut-être de là que vient l’acuité exceptionnelle dont les deux frères feront preuve dans leurs achats de peintures, avance Anne Baldassari, la commissaire de l’exposition sur la Collection Morozov.
Mikhaïl, l’aîné, voyage et acquiert dès ses 20 ans ses premiers tableaux à Paris. Il est “audacieux”, choisit Manet, Degas mais surtout Van Gogh et Gauguin, pas du tout reconnus à l’époque, ajoute Anne Baldassari. C’est lui qui apporte en Russie, pour la première fois, un tableau de ces deux peintres. Il meurt jeune, à l’âge de 33 ans, mais sa collection compte déjà 39 tableaux signés Monet, Toulouse-Lautrec, Renoir…
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Ivan est lui destiné à reprendre les affaires familiales et met sous le boisseau ses envies de devenir peintre. Lui aussi achète à Paris, de manière moins débridée que son aîné, mais avec un œil tout aussi sûr. Impressionnistes, post-impressionnistes, nabis et surtout… Cézanne – il aura un “cabinet Cézanne” dans ses appartements. Ivan s’intéresse également aux peintres russes contemporains – plusieurs tableaux ont fait partie du voyage jusqu’à Paris.
Des tableaux oubliés
Les deux frères sont nés vingt ans après Sergueï Chtchoukine, industriel fortuné, lui aussi passionné par la peinture française de son époque. Les trois hommes achètent au même moment car Chtchoukine démarre sa collection à la quarantaine.
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Ils se fréquentent et ont pour objectif de léguer leurs collections à la Galerie Tretiakov après leur mort. Avec la révolution bolchévique de 1917, les collections sont nationalisées, d’abord visibles aux murs des hôtels particuliers des deux industriels survivants puis réunies “dans un chaos pictural” avec d’autres objets d’art, dans quelques pièces d’une des deux demeures.
Les tableaux sont envoyés dans l’Oural au déclenchement de la guerre avec l’Allemagne en 1941 et y resteront des années, tant bien que mal conservés, par -40 degrés… Ce n’est qu’à la fin des années 1950 que le public soviétique pourra à nouveau les admirer à la Galerie Tretiakov, aux Musées Pouchkine (Moscou) et de l’Ermitage (Saint-Pétersbourg).
C’est la première fois que ces trois musées prêtent autant de tableaux de la collection Morozov à l’étranger. Après Chtchoukine et Morozov, peut-on attendre un troisième volet ? Les trois hommes étaient les grands collectionneurs d’art français de leur époque, répond la commissaire. “Mais il y a de grands collectionneurs d’art russe. À l’avant-garde française a succédé l’avant-garde russe.”
La collection Morozov est à visiter à la Fondation Louis Vuitton jusqu’au 22 février 2022.
Avec AFP.