En novembre dernier, JR dévoilait son projet gigantesque initié dans la prison à sécurité maximale de Tehachapi, en Californie. Avec l’aide de détenus volontaires (dont la grande majorité est incarcérée depuis l’adolescence et condamnée à perpétuité à cause de la loi californienne “des trois coups”, qui veut qu’un individu condamné pour la troisième fois soit enfermé à vie), l’artiste français avait créé une œuvre gigantesque se déployant au milieu du désert.
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On y voyait, vu du ciel, comme un symbole de liberté inaccessible, les visages des prisonniers ayant posé en noir et blanc pour JR. En plus d’être devenus modèles, les hommes avaient participé au collage des 338 bandes de papiers formant leur portrait de groupe – accompagné de certaines de leurs victimes et de membres de l’équipe de leur prison.
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Près d’un an plus tard, JR exporte et expose son projet à Paris, au sein de la galerie Perrotin. On y retrouve de magnifiques grands formats pris au sein de la prison. Les photographies ont été prises dans la cour, dont les murs ont disparu grâce à un trompe-l’œil du paysage montagneux et désertique qui entoure la prison. Cette anamorphose crée pour les prisonniers une ouverture sur l’horizon – devenu inaccessible depuis leur incarcération. Ces collages en noir et blanc divisent le lieu en bandes horizontales, faisant du paysage un triptyque, une œuvre d’art organique.
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Une œuvre collective où la parole est reine
L’exposition fait la part belle aux dessous du projet et aux histoires des détenus photographiés. C’est de toute façon le point de départ de l’initiative de JR, qui a filmé les prisonniers et a enregistré leurs paroles, afin de mettre en lumière une intime conviction : tout le monde peut changer et a droit à une seconde chance.
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Cette volonté d’entendre et d’écouter les prisonniers est indispensable. Elle permet par exemple de comprendre la honte de cet homme qui s’est tatoué une croix gammée sur le visage et qui souhaite aujourd’hui la voir disparaître. C’est aussi une façon de prendre en compte les ressentis de ces hommes qui ont passé plus de temps enfermés que libres, et qui affirment avoir changé.
Leurs témoignages sont disponibles sur l’application de JR (sur iPhone et Android), afin que leurs récits traversent les murs de la prison et les frontières. L’exposition parisienne devait à l’origine comporter un “parloir virtuel” qui aurait permis au public “de discuter par visioconférence avec […] les détenus participant au projet”.
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La crise sanitaire a malheureusement empêché la réalisation de ce projet, sachant notamment que les détenus étaient eux-mêmes “réticents à l’idée de toucher une cabine téléphonique, vecteur potentiel du Covid-19, depuis les premiers cas positifs dans la prison en juillet 2020”.
Sur deux étages et plusieurs salles, les images du projet émeuvent et donnent à réfléchir quant au système carcéral, notamment américain, puisque le quart de la population mondiale incarcérée se trouve aux États-Unis. L’année dernière, JR affirmait qu’“avec ce projet, [il] voulai[t] poser une nouvelle question” : “‘Un homme peut-il changer ?’ Avant de répondre oui ou non, posez-vous la question : ‘Ai-je changé ? Ai-je commis des erreurs, me suis-je excusé et suis-je passé à autre chose ? Si je l’ai fait, pourquoi pas eux ?'”
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L’exposition Tehachapi est visible à la galerie Perrotin à Paris jusqu’au 10 octobre 2020. Vous pouvez télécharger l’application du projet de JR, qui permet d’écouter les histoires des détenus, ici (pour iPhone) et là (pour Android).