Habitant à Washington D.C., le photographe Taylor Mickal revient sur la violence des manifestations qui ont eu lieu durant l’investiture de Trump, à travers des images et un témoignage touchant.
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Hier, je suis allé photographier les manifestations se déroulant à Washington D.C. pendant l’investiture de Trump. Je suis photographe professionnel indépendant, et je n’avais jamais vraiment tenté le photojournalisme. Du coup, cela me paraissait être une bonne opportunité pour me lancer.
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Je me suis mis à suivre un groupe de manifestants qui m’ont conduit à une grande intersection où les gens dansaient et où un groupe jouait de la musique. C’était un groupe plutôt cool, et tout le monde s’amusait bien. J’ai pris quelques clichés de ce moment.
À peu près cinq ou dix minutes plus tard, une parade de manifestants est passée et a absorbé la foule – j’ai essayé de saisir ce moment le mieux que je pouvais et j’ai commencé à suivre ce nouveau groupe qui se mettait à grandir, une fois arrivé en bas de la rue.
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Nous sommes arrivés à une intersection qui était bondée de tous les côtés. L’intersection entière était entourée principalement de manifestants, avec des policiers au milieu – dont une ligne de police anti-émeute portant tout l’attirail de boucliers, de masques et de bombes lacrymogènes. Les manifestants scandaient : “Laissez-les partir !”, pour soutenir ceux qui venaient de se faire arrêter. La tension était très palpable.
Je n’arrivais pas à prendre de bons clichés, mais il y avait un panneau sur lequel j’ai pu me placer, cela me permettait d’être à près de 2,5 mètres du sol. J’ai pris quelques photos, puis un groupe de quatre ou cinq supporters de Trump (tous portant des chapeaux rouges faciles à repérer) ont essayé de traverser la foule pour aller dans la rue opposée. Ils ont été accueillis par de grandes huées, quand soudain un des manifestants s’est mis à frapper la tête d’un des supporters de Trump avec ce qui ressemblait à un gros fat boy.
L’homme frappé au visage essayait de voir qui était le coupable. Subitement, quelqu’un lui a foutu une pêche et ça a été le chaos. La police anti-émeute a immédiatement foncé dans la foule en lançant du gaz lacrymogène.
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J’ai eu du mal a descendre [du panneau], et tout le monde courait et se battait juste en-dessous de moi, du coup je n’ai pas bougé – pensant que la police aurait vu que je ne faisais que prendre des photos et qu’ils ne prêteraient pas trop attention à moi.
J’avais tort.
Ils se sont mis à hurler : “Descends !”, et j’ai dit “okay, je descends !”, ce qui a tout de suite été suivi d’une grosse quantité de gaz lacrymogène qu’ils m’ont lancé droit dans les yeux à moins d’un mètre. Je suis tombé sur le sol, appareil photo en main. Je me suis levé en colère en disant : “Enfoirés ! Je suis photographe, pas manifestant !”, juste avant d’être plaqué au sol par un bouclier.
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J’ai entendu des manifestants crier “sauvez ce type ! Que quelqu’un sauve ce type !”, on m’a attrapé et quelqu’un m’a tenu par le bras pendant qu’on courait, et je lui ai crié que je ne voyais plus rien. Nous nous sommes arrêtés peut-être 50 mètres plus loin et ils ont essayé de nettoyer mes yeux.
J’avais énormément mal, et je n’arrêtais pas de leur dire que je n’y voyais rien. Les gens se sont mis à courir et le gars a dit que la police arrivait, alors ils ont essayé de me sortir de là. Je me forçais à garder les yeux ouverts pendant à peu près dix secondes et je courais aussi vite que je pouvais avant de devoir les fermer à nouveau.
On m’a mis sur un banc et un peu après, un membre des EMS [équivalent américain du SAMU] m’a emmené dans un coin un peu plus loin. Je ne pouvais plus voir pendant plus d’une heure. Les gens – que je n’ai même pas pu voir – étaient tous très gentils. Je me souviens qu’une certaine Jen et une certaine Katie sont restées auprès de moi et m’ont offert de l’eau. Un homme appelé Jonah m’a apporté du lait.
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Voici un selfie que j’ai pris quand j’ai enfin pu rouvrir les yeux.
C’était une sacrée expérience ! Je pense que j’aurais pu peut-être faire en sorte d’éviter une telle situation, mais je ne pense pas non plus que j’aurais dû être attaqué de cette façon. J’essayais d’être objectif envers les deux côtés : les manifestants et les policiers.
En fin de compte, les clichés en valaient la peine, et j’ai même pris une courte vidéo quand j’ai accidentellement appuyé sur le bouton “enregistrer” de mon téléphone.