Vincent van Gogh a légué au monde deux trésors : sa riche œuvre picturale (des milliers de toiles et dessins) et une épaisse correspondance, permettant de plonger dans l’esprit d’un personnage mystérieux, solitaire et connu – entre autres – pour s’être coupé un morceau d’oreille avant de se suicider à l’âge de 37 ans. L’artiste aurait envoyé plus de 2 000 lettres au long de sa courte vie, dont au moins 650 adressées à son frère Théo. Des 825 lettres toujours existantes aujourd’hui, 789 sont conservées au musée Van Gogh d’Amsterdam.
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Habituellement maintenues à l’écart des dangers de la lumière et de l’air ambiant (et donc des regards), elles sont actuellement présentées au public dans le cadre de “‘Your Loving Vincent’: Van Gogh’s Greatest Letters” (“‘Ton cher Vincent’ : les plus belles lettres de Van Gogh”), une exposition dédiée à la correspondance du peintre. Ces lettres trouvent un écho dans notre actualité puisque The Art Newspaper note qu’en 1889, l’artiste se plaignait de vivre sa propre “quarantaine”.
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Enfermé pour “de longs jours”
Le 19 mars 1889, Vincent envoyait une lettre en français (comme c’était souvent le cas) à son frère Théo. Il se trouvait à ce moment “de nouveau enfermé à l’hôpital”, où il avait été envoyé après s’être tranché un morceau d’oreille. À court de papier, il écrit sur une enveloppe reçue plus tôt sur laquelle on peut voir son nom et son adresse, “À l’hôpital, Arles (Bouches-du-Rhône)”, inscrits en grosses lettres au milieu de sa fine écriture en pattes de mouche.
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À la fin de sa lettre, qui raconte l’isolation forcée qu’il est en train de vivre et l’attitude étrange des villageois·ses à son égard, il glisse ces quelques mots, sans ponctuation : “À bientôt mon cher frère j’espère ne t’inquiète pas. C’est une sorte de quarantaine qu’on me fait passer peut-être je n’en sais rien.”
Plus haut dans sa lettre, il prévient son frère qu’il lui écrit pour le rassurer, “en pleine possession de [ses] esprits, non pas comme un fou mais comme le frère que [Théo] conna[ît]”. Il poursuit et lui confie qu’une pétition rassemblant apparemment plus de 80 signatures a été envoyée au maire (un certain M. Tardieu selon sa compréhension) le désignant comme “un homme ne méritant pas de vivre en liberté, ou quelque chose comme ça”. Le peintre se plaint d’être enfermé pour de longs jours, sous clé et avec des gardiens “sans que [sa] culpabilité soit prouvée ou qu’elle puisse l’être”.
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Cette appréhension des autres à son égard est corroborée par les éditeurs d’un ouvrage compilant sa correspondance, Vincent van Gogh: A Life in Letters. Ils ouvrent le livre avec cette description : “Il avait un tic facial et ses mains semblaient être constamment en mouvement. Les gens avaient souvent peur de lui à cause de son apparence un peu sauvage et débraillée et de sa manière, très intense, de parler.”
Le peintre passera neuf mois à l’hôpital, continuant de faire grossir sa correspondance. En rentrant enfin chez lui, il écrit : “J’essaie d’aller mieux maintenant, comme quelqu’un qui, après avoir voulu s’ôter la vie, a finalement trouvé que l’eau était trop froide et essaie de se rapprocher du bord.” Quelques mois plus tard, en juillet 1890, il s’enferme de lui-même, dans l’éternité cette fois, en se tirant une balle dans la poitrine.
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L’exposition “‘Your Loving Vincent’: Van Gogh’s Greatest Letters” est visible au musée Van Gogh d’Amsterdam jusqu’au 10 janvier 2021. Les lettres du peintre sont visibles virtuellement ici.
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