Le photographe Ron Galella revient sur un cliché qui a marqué sa carrière : celui où l’on voit Jackie Kennedy les cheveux dans le vent.
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À quelques mois de la sortie du biopic Jackie, à l’affiche duquel on trouvera Natalie Portman, et après être revenus sur le passé de photojournaliste de la première dame la plus célèbre des États-Unis, nous nous penchons aujourd’hui sur l’histoire d’un portrait que tout le monde connaît sous le nom de Windblown Jackie, signé Ron Galella. Le Time a réalisé une interview filmée de l’auteur de ce cliché, connu pour ses nombreux portraits de célébrités. En tant que paparazzi, il estime ne pas avoir envahi l’intimité de Jackie Kennedy en la suivant. Il explique en effet qu’elle se prêtait au jeu et se considérait elle-même comme un personnage public : elle acceptait donc le voyeurisme qui allait de pair avec son statut. Le photographe rencontre Jackie en 1967 à la galerie Wildenstein, située sur Madison Avenue à New York. Il la décrit ainsi :
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“Elle avait des grands yeux ouverts, chuchotait et ne donnait pas d’interview, ce qui accentuait sa dimension mystique et glamour. On voulait en savoir plus sur elle. Je connaissais son adresse et j’arrivais donc, à cette époque, à faire beaucoup de photos d’elle.”
En 1971, Ron capture le cliché que l’on appelle Windblown Jackie. Il raconte qu’à cette époque, les paparazzis étaient très libres, qu’ils pouvaient changer d’angle assez facilement pour tirer le portrait des stars à leur insu, afin de montrer leur expression la plus sincère. Mais c’était aussi une période où les paparazzis se montraient moins intrusifs : dès qu’une personnalité lui demandait d’arrêter de la prendre en photo, Ron obtempérait. Il a suffi d’un regard, d’un moment et d’un échange spontané entre les deux pour qu’il devienne l’auteur d’un cliché qui fera le tour du monde. Les cheveux dans le vent, légère et souriant timidement, Jackie semble nous lancer un regard à la fois perçant et bienveillant. C’était en octobre 1971, il l’avait suivie en taxi après l’avoir repérée dans l’Upper East Side à New York, à côté de Central Park. Ron Galella explique :
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“Au début, je l’ai prise deux fois en train de marcher au coin de la rue, depuis l’arrière du taxi. Elle ne m’a pas vu parce qu’il y avait trop de bruit. Ensuite, le conducteur du taxi a fait quelque chose que je ne lui avais même pas demandé : il a klaxonné. Je me suis tenu prêt à appuyer sur le déclencheur. Et Jackie a tourné la tête vers moi. J’ai eu ma Windblown Jackie. Magnifique. C’est une photo exclusive sans pose et sans artifice. Je ne pense pas qu’elle savait que c’était moi. C’est pour ça qu’elle sourit un peu.”
Ron est ensuite sorti du taxi, elle l’a reconnu et a immédiatement remis ses lunettes de soleil. Il a continué à la suivre à pied pour prendre d’autres clichés d’elle, mais sans parvenir à capturer de nouveau un tel instant. Ron a fini par donner l’appareil à son assistant pour qu’il le prenne en photo à côté de Jackie. Avant de le semer, elle lui a demandé : “Est-ce que tu es satisfait de tes photos ?” C’est sa spontanéité qui a rendu ce portrait célèbre. L’écrivain Michael Gross commente :
“Ce qui était génial avec elle, c’est qu’elle ne suivait pas les tendances, tout ce qu’elle portait lui allait à merveille. Elle était atemporelle, et la persistance de ce cliché au fil du temps le prouve bien. C’était le cliché iconique d’une célébrité américaine aristocrate, et cela a créé un genre.”
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Cette image brouille les frontières entre le domaine de l’information et les droits d’une figure publique. En 1972, Jackie, qui était la plupart du temps d’accord pour que la presse publie des photos d’elle, a poursuivi Ron en justice à deux reprises. Résultat : il n’avait plus le droit de la photographier, ni elle ni ses enfants. Aucun autre photographe n’a été attaqué par Jackie. Ron confie qu’il ne se sent pas pour autant coupable de l’avoir photographiée :
“Il est vrai que j’ai repoussé les limites de sa vie privée mais c’est ce qu’il faut. C’est une barrière morale, mais je pensais que c’était bien. Aujourd’hui, je suis content d’avoir préservé cette image d’elle alors que personne d’autre ne l’a fait.”
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“My Mona Lisa”
Ron Galella raconte au Time que le centre de Manhattan était son QG et que Jackie était à la fois sa “Mona Lisa”, sa statue grecque et sa légende vivante. Dans la vidéo, il utilise aussi l’expression golden girl. Après la mort de son mari, le président John F. Kennedy, les Américains ont développé une fascination pour Jacqueline Kennedy Onassis, alors jeune veuve. Le film de Pablo Larraín avec Natalie Portman, Jackie, dont la sortie est prévue le 1er février 2017, se concentre justement sur la vie de cette femme après la mort de son homme. Jusqu’à aujourd’hui, elle symbolise la veuve digne, véritable allégorie du courage. Ça n’est d’ailleurs pas pour rien que photographe l’a surnommée “Mona Lisa“. Il explique :
“C’est parce qu’on peut lire un début de sourire sur ses lèvres et dans ses yeux ; elle n’avait pas de coiffure sophistiquée ni de maquillage, elle était d’une beauté naturelle, comme La Joconde.”
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Par analogie, il la compare à une femme mystérieuse, mythique et dont le visage féminin doit être l’un des plus connus au monde. C’est cette impression que Ron avait, vis-à-vis de Jackie, lorsqu’il la photographiait quotidiennement. Elle était son modèle préféré, son sujet idéal, comme une obsession, et il ressort énormément de portraits d’elle parmi les œuvres de Ron. Ce dernier ajoute : “Je dois en avoir un million, je ne les comptais plus.” Jackie Kennedy protégeait peu son visage et sa vie privée, ce qui suscitait l’intérêt des photographes du monde entier et faisait d’elle leur première cible. Ron raconte qu’elle était une femme constamment en mouvement et que son point fort en tant que photographe était justement de figer les gens et les choses en mouvement.