En mai dernier, Kenneth Goldsmith présentait son œuvre HILLARY: The Hillary Clinton Emails à la biennale de Venise. L’artiste (et poète) américain était loin d’imaginer qu’à la mi-septembre, Hillary Clinton elle-même allait se déplacer pour admirer son chef-d’œuvre représentant le Resolute desk du bureau ovale avec une pile de mails imprimés.
Publicité
“Ce sont les documents politiques les plus importants de notre époque. L’opinion publique en a largement débattu mais personne ne les a lus. Masqués en lecture complète, tous ces mails étaient disponibles en ligne, mais bizarrement, ils sont devenus des sortes de fantômes. ‘HILLARY’ est leur première apparition publique”, expliquait Kenneth Goldsmith à propos de son exposition.
Publicité
Ce projet fait directement écho à l’affaire des courriels de Hillary Clinton, une controverse révélée par WikiLeaks (commencée en mars 2015 par le New York Times) qui a explosé pendant sa campagne présidentielle contre Donald Trump, en 2016. Durant son mandat de secrétaire d’État (entre 2009 et 2013), la politicienne a utilisé son adresse mail personnelle (au lieu de l’officielle) pour discutailler de choses confidentielles. Le leak aurait été commandité par Donald Trump et des hackers russes, afin de faire basculer les élections en sa faveur.
Publicité
Or, les hauts fonctionnaires du pays ne doivent pas utiliser leurs adresses électroniques personnelles pour communiquer sur des affaires censées rester secrètes, et le Federal Records Act impose l’archivage de ces mails professionnels pour qu’on puisse les consulter à l’issue de leur mandat, si besoin est. Le FBI a finalement décrété qu’elle n’avait pas enfreint de lois, même si elle avait fait preuve de négligence.
Hillary Clinton en visite à Venise
Publicité
“Hillary Clinton a passé une heure, hier, à lire ses courriels lors de mon exposition à Venise, parmi quelque 62 000 pages. Elle est photographiée ici assise dans la réplique du bureau ovale, où ses courriels sont empilés.”
Le 10 septembre dernier, l’ex-candidate à la présidence était en visite à Venise, et c’est avec beaucoup d’autodérision qu’elle s’est assise, pendant une heure, à son “bureau” pour lire les mails présentés par Goldsmith. Bien qu’un représentant de Clinton ait prévenu l’artiste et les curateurs de Francesco Urbano Ragazzi, ce dernier n’en revenait pas et pensait à une blague : “Je n’y ai cru qu’une fois qu’elle était là”, a-t-il confié à Artnet News. “C’est incroyable. La boucle est bouclée […]. C’est comme si l’installation l’attendait. Après sa visite, l’exposition est devenue l’événement incontournable de la biennale.” Malheureusement, il se trouvait à New York à ce moment-là et n’a pas pu la saluer.
Le fait que l’ancienne Première dame des États-Unis ait pu s’asseoir et s’adonner à une performance improvisée au sein de l’installation n’est pas un privilège qui lui est réservé. Tous les visiteur·se·s sont invité·e·s à prendre place à son bureau pour prendre le temps de lire ces 62 000 pages de mails imprimées. “Cette exposition est une preuve supplémentaire qu’il n’y avait rien de mauvais ou de controversé dans ces mails, tout le monde peut les lire. […] Ils sont si ennuyeux”, a conclu la concernée, après sa visite guidée et un tweet grinçant mais drôle.
Publicité
“J’ai trouvé mes mails à la biennale de Venise. Que quelqu’un prévienne la Maison-Blanche et le parti républicain.”
“HILLARY: The Hillary Clinton Emails”, une installation de Kenneth Goldsmith à voir au Despar Teatro Italiano, lors de la biennale de Venise, jusqu’au 24 novembre 2019.
Publicité