Autodidacte et, de son propre aveu, “pas très scolaire”, Kiara parvient à se tailler une jolie place dans le milieu photographique, plus précisément auprès d’artistes rap. Kalash Criminel, DA Uzi, Gazo, Maes, Alkpote ou encore Freeze Corleone sont passés devant son objectif et la photographe ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Qu’il s’agisse de musique, de danse, de DJing ou de graff, elle a à cœur de mettre en lumière les artistes et la “culture urbaine” qui la passionnent depuis l’adolescence.
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Après des études de cinéma avortées et une période passée à travailler dans la vente, Kiara renoue avec son amour pour la photo en 2020, une pratique qu’elle avait doucement commencé à appréhender à la sortie de l’enfance puis abandonnée en se disant qu’elle ne pourrait faire de sa passion son métier. “Le confinement a eu du bon pour moi, c’est à ce moment-là que je me suis dit que je ne pouvais pas laisser passer mes rêves.”
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Le visionnage de tutos YouTube et une pratique forcenée de la photo lui permettent de façonner son style, qu’elle qualifie aujourd’hui d’“assez brut”, avec peu de retouches et la volonté de toujours “garder l’authenticité de la personne” photographiée. “Ce que j’adore, c’est essayer de faire ressentir une émotion à travers la photo. Qu’on arrive à décrypter l’âme du modèle.”
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C’est pour cela qu’elle cherche avant tout à créer du lien et une sensation de proximité avec les personnes qu’elle immortalise : “Pour moi, un shooting, c’est avant tout un échange. Il faut que je puisse comprendre le mood de la personne et ce qu’elle recherche. Plus il y a d’échanges, mieux la séance photo se déroulera. Je n’hésite pas à demander un maximum de références au modèle, sur ce qu’il aime ou pas, pour essayer de cerner ses envies et ses idées. […] Le plus important, c’est que le modèle se sente à l’aise. S’il ne l’est pas, on aura forcément des mauvais clichés.”
De la nécessité de dépasser sa timidité
Dès lors qu’elle se remet “sérieusement à la photographie”, l’artiste se dirige tout logiquement vers le domaine du hip-hop, dans lequel elle se sent “plus à l’aise”, selon ses propres termes. Kiara joue l’audace en contactant Thamikh, un photographe et réalisateur dont elle admire particulièrement le travail.
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“Je lui ai tout simplement demandé de l’accompagner sur les clips qu’il tournait. De fil en aiguille, après avoir pris des photos sur le tournage de plusieurs street clips, j’ai été contactée par un label pour prendre d’autres images et tout s’est enchaîné petit à petit”, nous raconte-t-elle.
Si la carte de l’audace a payé, Kiara confie une nature timide, qui peut jouer des tours dans ce genre de professions : “Dans ce milieu-là, il faut souvent y aller au culot. Ce n’est pas toujours facile, qu’il s’agisse de s’imposer sur un tournage pour avoir la photo parfaite ou encore demander une pose particulière à un artiste qui peut parfois impressionner.”
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Mais le jeu en vaut la chandelle et Kiara retient surtout des séances mémorables avec des rappeurs qu’elle écoute depuis l’adolescence. Un quotidien pas tout à fait comme les autres puisqu’elle se souvient, le sourire aux lèvres, de toutes ces fois où elle a “vu [sa] vie défiler” lorsqu’elle montait dans les voitures de location des rappeurs qu’elle shootait.
La banlieue à l’honneur
Originaire de Sevran, dans le 93, Kiara met en avant sa ville dans son travail. Avec son exposition “93270”, organisée en décembre dernier, elle souhaitait “rendre à Sevran l’image qu’elle mérite”. “C’est une ville bourrée de talents qui a trop souvent été salie par les médias. […] C’est une ville avec beaucoup de défauts, comme partout ailleurs, mais on essaie de s’en sortir, de s’aider.”
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La photographe insiste sur la “chance” qu’elle a eu de grandir dans une telle ville : “La diversité culturelle qu’offre la banlieue en général nous enrichit, elle nous rend tous plus grands et plus ouverts. Ce que j’aime à Sevran c’est ce mélange, ce partage entre les habitants… C’est une petite ville de banlieue où l’on a l’impression d’être une grande famille.”
Si elle insiste sur cette chance, la photographe ne met pas de côté les difficultés que peuvent connaître les jeunes qui grandissent en banlieue. Grâce à ses images ou les initiations photo qu’elle propose à Sevran, elle aimerait les aider à comprendre “qu’ils ont autant leur place dans les expos photo, le cinéma, la photographie, la musique, le sport, que n’importe quel autre jeune de France”. Une carrière pour la passion et pour l’exemple.