L’artiste albanais David Kryemadhi promène ses pinceaux dans les nombreux bars du petit pays des Balkans et brosse le portrait des client·e·s à grands traits de café, une manière pour lui de soulager, grâce à l’art, l’angoisse de l’époque. En Albanie, les bars sont une institution, et boire le café un mode de vie.
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Depuis plusieurs mois, David Kryemadhi, peintre de 32 ans, va de bar en bar muni de son bloc de papier et de sa trousse de pinceaux, noue la conversation avec ses voisin·e·s de table et leur propose de faire leur portrait gratuitement, offrant des instants de légèreté. Il en est sûr, sa peinture est une forme de thérapie, explique-t-il au Mon Chéri, établissement de la ville portuaire de Durrës, sur l’Adriatique.
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“L’art du café est l’une des thérapies les plus réussies, elle aide à surmonter des situations difficiles, comme celles qu’on vit avec cette pandémie ou même avant, avec le tremblement de terre”, explique le jeune homme au visage fin, encadré par une barbe et des lunettes.
“Synergie positive”
La région avait été frappée fin 2019 par un séisme qui avait fait une cinquantaine de décès et des milliers de sans-abri. Quelques mois plus tard, la pandémie mondiale fermait les écoles et réduisait à néant la vie économique. “L’art et le café aident beaucoup de gens”, poursuit l’artiste. “Un instant de calme et de réflexion au moment de peindre le portrait, cela aide l’autre à gagner de la confiance en soi et à voir le monde avec une synergie positive, un regard plus ouvert.”
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Laura, lycéenne à l’air timide, se laisse convaincre par cet adepte de la peinture gestuelle et a l’air ravie par la “magie” du moment. Le peintre trempe son pinceau dans un expresso, et remplit la page blanche de traits énergiques, adoucissant parfois le noir du café avec de l’eau. Un peu plus loin, Alexsandra, étudiante qui aspire à devenir chercheuse en biologie, regarde la scène d’un air curieux puis s’approche. Elle aussi veut un portrait.
“Ça m’a fait tellement de bien, je trouve dans cette peinture toutes mes émotions, mes tourments, mes pensées”, dit-elle à l’AFP en attendant que la peinture sèche. “La nouveauté dans l’art de David, c’est qu’il construit des ponts avec ses compagnons de route dans cette institution albanaise que sont les cafés”, commente Eva Allushi, professeure de communication à l’université de Durrës.
“Recommandé par les médecins”
Ici, “les cafés sont une forme incontournable de la vie sociale, de la communication entre interlocuteurs qui peuvent s’exprimer librement”, ajoute-t-elle. En Albanie, c’est autour d’un petit café que se rencontrent les familles de futur·e·s époux·ses, au café encore qu’on se retrouve après des obsèques. Le pays de 2,8 millions d’habitant·e·s figure parmi les nations les plus généreuses en bars au monde. Selon l’Institut des statistiques, il en compte plus de 600 pour 100 000 personnes.
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La pandémie a beaucoup nui à la santé mentale, mais “l’art constitue une forme de communication bonne pour la santé, recommandée pour ceux qui ont des problèmes d’angoisse et de dépression”, explique la docteur Greta Guga, psychiatre à l’hôpital de Durrës.
“En ces temps de Covid-19, une tasse de café donne plus de sécurité, d’amour et de paix qu’une réunion du G20”, veut croire Saimir Strati, artiste albanais détenteur de onze records au Guinness. Parmi les œuvres distinguées, une mosaïque de 25 mètres carrés réalisée avec un million de grains de café, qui assimile le monde à un orchestre avec une danseuse brésilienne, un batteur d’Afrique subsaharienne ou un chanteur états-unien.
Avec AFP.
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