En plein Turbine Hall du Tate Modern, s’élève une statue d’ampleur signée Kara Walker, intitulée Fons Americanus et commandée par Hyundai. C’est dans ce lieu somptueux qu’a été tourné le dernier clip de FKA Twigs, en featuring avec Headie One et Fred Again : “Don’t Judge Me”. La chanteuse d’origine britanno-jamaïco-espagnole chante l’amour, tandis que le rappeur verse des couplets sur les violences policières et les injustices raciales.
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Réalisé par Emmanuel Adjei (à qui nous devons également “Black is King” de Beyoncé), le clip met en scène des danseur·se·s noir·e·s et militant·e·s Black Lives Matter réuni·e·s autour de la fontaine-sculpture de Kara Walker. Et il y a une bonne raison de faire figurer cette statue précise : sa symbolique.
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Quand Walker a créé cette statue de treize mètres de haut, elle voulait témoigner des horreurs de l’esclavage et du colonialisme. L’artiste l’a pensée comme un “monument”, un devoir de mémoire du passé esclavagiste occidental “face à la montée de la suprématie blanche”. Elle s’est inspirée de la fontaine érigée à la gloire de la reine Victoria, au Buckingham Palace.
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“Au lieu d’une célébration de l’Empire britannique, la fontaine de Walker explore les histoires entremêlées d’Afrique, d’Amérique et d’Europe. Elle utilise l’eau comme un élément-clé, en référence à la traite des esclaves transatlantique et aux ambitions, aux destins et tragédies des personnes de ces trois continents”, décrit le Tate Modern, en 2020.
Une statue qui divise
Si FKA Twigs a déclaré sur Twitter être honorée de faire le clip de son morceau aux côtés de Fons Americanus, Artnews rapporte cependant que la sculpture avait à la fois plu et divisé au moment de son inauguration en octobre 2019. Sa structure de liège, de ciment, de métal et de bois représente pêle-mêle des personnages aux traits jugés “grossiers”, des requins, un bateau, un homme à genoux devant la reine Victoria, une Vénus surplombante dont les seins et la bouche “pissent”, une corde de potence, un enfant pleurant et un capitaine. On fustigeait son manque d’harmonie et son esthétique cartoonesque.
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Certain·e·s Britanniques reprochaient également au musée d’avoir fait intervenir une artiste américaine peu documentée sur l’histoire britannique : “Je ne suis pas historienne, je ne suis pas une narratrice fiable”, avouait Walker. Ces critiques expliquaient qu’il aurait été plus cohérent qu’un·e artiste afro-britannique “concerné·e” soit exposé·e au Tate Modern sur cette problématique.
En opposition, d’autres soutenaient que la sculptrice afro-américaine, dont le travail aborde depuis toujours des thématiques liées à la race, l’histoire et la violence, était tout à fait légitime de prendre la parole dans un musée britannique. Les interprétations divergent, mais l’ambition de FKA Twigs était assez claire : sur fond de ses paroles, elle souhaitait rappeler l’oppression subie par les Noir·e·s dans le débat présent. La sculpture sera exposée jusqu’au 7 février 2021 ; les matériaux qui ont servi à sa structure seront ensuite recyclés.
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