“Comment faire des ‘images’ d’une situation historique aussi médiatisée que la ‘jungle de Calais’ ?” s’est demandé le photographe André Mérian après avoir reçu une invitation à plancher, en images, sur le sujet “Réinventer Calais”, exposé au Centre photographique d’Ile-de-France, à Pontault-Combault.
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L’artiste a tout de même accepté la commande photo, aux côtés de sept autres artistes qui ont travaillé autour des camps de réfugié·e·s situés au nord de la France, vers Calais, Coquelles et Sangatte, entre l’automne 2015 et l’automne 2016. Un projet lancé conjointement par le Centre national des arts plastiques (Cnap) et le PEROU (Pôle d’exploration des ressources urbaines).
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Sébastien Thiéry, le coordinateur de l’association PEROU fait remonter cette commande à une volonté de “soigner le regard que collectivement nous portons sur Calais” :
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“Parce qu’il est question de renverser les évidences, et de cultiver enfin le récit d’une ville-monde aujourd’hui écrasée par une iconographie du pire. Parce qu’il est question de faire place enfin à cette ‘ville invisible’ constituée de la matière des constructions, des rêves, des relations, des commerces en tous genres qui font effectivement lieu.”
Lotfi Benyelles, Claire Chevrier, Jean Larive, Élisa Larvego, Laurent Malone, André Mérian, Gilles Raynaldy, Aimée Thirion ont répondu présent·e·s à l’appel, produisant chacun·e des projets très différents, tant les situations vécues et vues sont variées et insoutenables.
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Avec sa série Habiter Calais, Lotfi Benyelles a par exemple essayé de relier en images deux situations qu’on tente à tout prix de cloisonner dans une même ville : au Nord, des habitations, rues et écoles précaires, créées ex nihilo pour offrir un semblant de stabilité dans les camps ; au Sud, la disparition des industries et une maire qui “multiplie les projets d’aménagement urbain et ne cesse de réclamer l’évacuation des migrants de la ville”, selon les mots de l’artiste.
Montrer le particulier pour pointer un sujet de société
Devant la difficulté d’immortaliser des histoires et des problématiques douloureuses, chaque photographe a dû trouver une parade. C’est pour cela que dans Calais des oiseaux, Jean Larive s’est concentré sur “le symbolisme et la poétique” des mouvements, des lieux et des attitudes ainsi que des parties de corps ou des objets plutôt que des visages ou des événements précis.
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Laurent Malone s’est également attaché aux objets en photographiant “110 objets sauvés d’une cité en devenir, détruite en quelques jours de novembre 2016 par la ville de Calais et le gouvernement français”. En montrant concrètement la perte et la destruction à travers des objets, l’artiste rappelle à quel point les pertes humaines ne semblent déjà plus importer.
Claire Chevrier et André Mérian ont quant à eux braqué leurs objectifs sur les paysages. La première a élaboré un roman-photo à partir des “territoires et lieux de passages autour de Calais : ferry, tunnel, gare TGV”, tandis que le second, qui a respecté la volonté des réfugié·e·s de ne pas figurer sur ses images, s’est intéressé aux “notions de frontières, de sécurité, de surveillance”. Il raconte ainsi ces hommes, ces femmes et ces enfants à travers les chemins qu’ils empruntent, les lieux qu’ils transforment et les “traces éphémères” qu’ils laissent.
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Une saison dédiée au pouvoir de la photo
Autour de l’exposition seront organisés des ateliers, des conférences et des tables rondes. “Réinventer Calais” est présentée dans le cadre de L’Engagement, une manifestation nationale qui rassemble 21 expositions, 233 artistes, 10 régions et 19 départements à l’occasion des dix ans du réseau Diagonal – dédié à la photographie en France.
Entre septembre 2019 et février 2020, la vingtaine d’expositions mise en place permettra ainsi de “poser un constat politique et artistique sur la photographie en France” – une preuve supplémentaire du pouvoir de l’image pour traiter avec force et sensibilité des problématiques sociales.
L’exposition “Réinventer Calais” est visible au Centre national des arts plastiques du 5 octobre au 22 décembre 2019.