Les folles expérimentations de Steven Pippin exposées au Centre Pompidou

Publié le par Lisa Miquet,

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La galerie de la photographie du Centre Pompidou revient sur l’œuvre de Steven Pippin, l’artiste aux expérimentations photographiques effrénées.

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En 1993, Steven Pippin transforme les toilettes du train Londres-Brighton en studio photographique et en laboratoire le temps de la durée du voyage. Après avoir installé un film dans le fond de la cuvette, transformé la cuvette en dispositif photographique et exposé le film à la lumière, il utilisait la citerne des sanitaires pour développer ses images, injectant directement ses produits chimiques avant de tirer la chasse d’eau.

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Au-delà de l’aspect insolite du procédé, ce projet intitulé The Continued Saga of an Amateur Photographer montre un véritable besoin d’autarcie dans la production de l’image, élément qui se confirmera par la suite et deviendra une marque de fabrique du travail de Pippin. Si les expériences photographiques de l’artiste constituent un travail plastique remarquable, elles révèlent aussi une dimension performative : il met en scène l’expérience photographique mais se montre aussi publiquement comme le protagoniste de cette activité.

De la photographie à l’image en mouvement

À la fin des années 1990, Pippin décide de s’attaquer à un autre objet domestique : la machine à laver. L’artiste voit une analogie formelle entre le lave-linge et l’appareil reflex. La forme cyclique du tambour lui rappelle celle de l’objectif et les différents cycles de lavage lui évoquent les étapes de développement d’une image. Il décide donc, comme à son habitude, de transformer la machine en appareil photo ainsi qu’en laboratoire. Il capture ses images et les développe en versant ses produits dans le compartiment dédié à la lessive. Bien que le procédé soit une réussite, l’artiste est rapidement rattrapé par ses ambitions, souhaitant toujours pousser ses expériences plus loin, et s’essaie alors à l’image en mouvement.

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Pour mener à bien ce projet, il se rend dans une laverie automatique et met en place un système de synchronisation entre les différentes machines pour qu’elles soient capables de se déclencher les unes après les autres. Il capture donc une succession d’images d’un homme se déplaçant devant une ligne de douze lave-linge – images qu’il développe évidemment lui-même, en faisant tourner les machines. Dans un second temps, l’artiste décide de rendre hommage à Eadweard Muybridge, connu pour ses chronophotographies qui décomposaient les mouvements d’un cheval au galop. Pippin décide de rejouer la scène un siècle plus tard, faisant rentrer un cheval dans la laverie et immortalisant son allure. Cet exploit photographique fut remarqué et son travail exposé au MOMA de San Francisco. Fort de ce succès, Pippin décide cependant de s’éloigner de la photographie et cesse sa production pendant une dizaine d’années.

La destruction photographique

Après avoir pris ses distances avec le medium photographique durant plusieurs années, c’est avec violence et frénésie qu’il renoue avec sa passion. Dans un essai intitulé Photographicus Philosophicus, il déclare :

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“L’essor continu et exponentiel de la photographie est inversement proportionnel à la qualité de ce qu’elle véhicule. Or, cette qualité baisse à mesure que de plus en plus d’appareils photo sont produits, perfectionnés et incorporés dans d’autres produits électroniques.”

Pour l’artiste, le numérique nous a conduits à une surproduction photographique qui diminue notre capacité à regarder les images. La seule manière d’enrayer ce processus ? Détruire le matériel de prise de vue. Ainsi, dans sa dernière série, intitulée Non Event, Steven Pippin met en scène la destruction d’appareils photo avec une arme à feu. Un spectacle particulièrement dramatique, puisqu’il décide d’immortaliser précisément le moment de la destruction. Contrairement à l’approche artisanale qu’il pouvait adopter jusqu’à présent, l’artiste décide cette fois-ci d’utiliser une installation sophistiquée qui permet de synchroniser le flash et le moment où l’appareil est traversé par un projectile. Visés et photographiés, les appareils photo sont alors doublement “shootés”.

Des premières expérimentations de Pippin aux dernières images d’explosions matérielles, la galerie de la photographie du Centre Pompidou revient sur ses 35 années de carrière à travers une rétrospective inédite. Une manière pour le spectateur de découvrir le travail de l’artiste, mais aussi de retracer l’histoire de la photographie, tant son œuvre en est un condensé.

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“Steven Pippin, Aberration optique”, du 14 juin au 11 septembre 2017, à la galerie de la photographie du Centre Pompidou.