Ces sept dernières années, certains des tristes murs en béton qui quadrillent Kaboul avaient pris des couleurs grâce aux fresques murales du collectif ArtLords, cofondé par le jeune activiste afghan Omaid Sharifi. Puis les talibans sont arrivés.
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Dans les jours qui ont suivi la prise de contrôle de la capitale afghane par le mouvement islamiste le 15 août 2021, de nombreuses œuvres de street art ont été repeintes avec de la peinture blanche ou remplacées par des slogans de propagande en faveur du nouveau régime.
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“L’image qui me vient en tête, c’est [les talibans] en train de recouvrir la ville d’un kafan”, le drap blanc dans lequel sont enterrés les musulman·e·s, déclare à l’AFP Omaid Sharifi, depuis les Émirats arabes unis où il s’est réfugié.
“Mais nous ne resterons jamais silencieux”, prévient l’artiste de 34 ans, dont le collectif ArtLords est à l’origine de plus de 2 200 peintures murales réalisées dans l’ensemble du pays. “Nous veillerons à ce que le monde nous entende, nous veillerons à ce que les talibans soient humiliés chaque jour”, promet-il.
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Fondé en 2014, ArtLords s’est fait une spécialité des grandes fresques peintes à même les “T-walls”, ces immenses parois de béton gris ayant essaimé dans Kaboul pour protéger les bâtiments des explosions.
Très connu dans la capitale mais également dans le reste du pays, le collectif avait aussi réussi à attirer l’attention internationale grâce à son prisme très politique. Ses peintures, visant à promouvoir la paix et la justice sociale, ont mis à l’honneur des héro·ïne·s afghan·e·s, appelé au respect des droits des femmes ou encore dénoncé la corruption et les abus de pouvoir.
Ses membres, qualifiés d’infidèles par des groupes extrémistes, ont fait l’objet de menaces de mort. Mais en dépit de ces intimidations, ils n’ont rien lâché. Le matin même du 15 août, alors que les talibans étaient aux portes de Kaboul, Sharifi et cinq de ses collègues artistes sont ainsi allés travailler une peinture murale devant un bâtiment du gouvernement.
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Quelques heures plus tard, ils ont vu des gens paniqués en sortir et ont décidé de retourner dans l’atelier du collectif. “Toutes les routes étaient bloquées”, se souvient Sharifi. “L’armée, la police arrivaient de tous les côtés, abandonnant leurs voitures et tout le monde courait.”
Gravé à l’esprit
En 1996, lorsque le mouvement islamiste est arrivé pour la première fois au pouvoir, Sharifi avait 10 ans et le trentenaire d’aujourd’hui a toujours en mémoire la brutalité du régime qui avait, entre autres choses, interdit les divertissements, notamment la télévision.
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“Quand j’allais au marché à vélo, [je] voyais beaucoup de téléviseurs cassés, de magnétophones cassés et des tas de cassettes”, se rappelle-t-il. “Ça reste gravé dans mon esprit et ça n’en partira jamais.”
Vingt ans plus tard, à l’image d’une grande partie de la population afghane, il ne se fait aucune illusion et s’attend “à ce que peu de choses changent”. Désormais à 1 600 kilomètres de Kaboul, il confie que quitter l’Afghanistan – “c’est ma maison, c’est mon identité” – a été “difficile” mais nécessaire pour pouvoir conserver “sa liberté d’expression”.
S’il a réussi à aider 54 artistes à s’échapper du pays avec leurs familles, il en resterait selon lui plus d’une centaine. “Tous se cachent, tous ont peur… Ils essayent juste de trouver un moyen de sortir d’Afghanistan.”
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De là où il se trouve désormais, il promet de continuer à militer et à créer. “J’ai tout laissé derrière moi. La seule chose qui me permet de continuer, c’est de savoir que ce n’est pas la fin.”
Avec AFP.