Est-ce une fausse Joconde qui est exposée au Louvre ?

Ce week-end, dimanche 28 janvier, deux militantes ont aspergé de soupe la vitre blindée protégeant La Joconde. “L’œuvre n’a subi aucun dommage”, a indiqué le musée du Louvre à l’AFP, précisant que “la salle des États, où l’œuvre est exposée, avait été rouverte à la visite, après avoir été fermée pendant une heure”. La nouvelle nous a rappelé une question qui avait taraudé l’Internet français en septembre 2022, lorsque Squeezie avait invité Seb (la Frite), Billy (aka RebeuDeter) et Amine(MaTue) à participer à son dernier concept de vidéo “Y’a quoi derrière la porte ?”.

Dans la dernière partie de la vidéo, Billy et Amine doivent deviner si, derrière la fameuse porte, se trouve la vraie Joconde ou une réplique. Billy avance alors la théorie – souvent entendue – que le Louvre présente à son public une copie de l’œuvre de Léonard de Vinci : “La vraie est dans des sous-sols avec des conditions thermiques particulières et s’ils la sortent, ça détériore la peinture.”

Pour en avoir le cœur net et savoir si c’est bien le tableau peint des mains de Léonard de Vinci qu’on contemple au Louvre, nous avions appelé le plus célèbre des musées parisiens. À peine avais-je fini de poser ma question que ma première interlocutrice me coupait en riant : “C’est la vraie qui est exposée. On nous pose tout le temps la question, la rumeur court mais c’est bien la vraie.” D’ailleurs, note une de ses collègues : “On n’expose que des œuvres originales, il n’y a pas de faux, pas de tromperie. Ce n’est pas l’objectif de montrer des copies ou des faux. L’idée, c’est d’avoir l’émotion devant l’œuvre originale.”

Des conditions spécifiques

Toute cette “mythologie autour de La Joconde est un signe de sa célébrité”, souligne cependant le Louvre. Et Billy n’a pas tort sur toute la ligne. Il estime par exemple bien trop compliqué – et bien trop coûteux – de déplacer La Joconde, qui est ultra-sécurisée et protégée des êtres humains et des éléments. “Elle est effectivement trop fragile pour voyager”, répond le Louvre. Sa dernière escapade remonte à 1963. Monna Lisa avait alors parcouru le globe et atteint les États-Unis et le Japon sur demande d’André Malraux, alors ministre de la Culture.

Un traitement de star

Pour accueillir son portrait au début des années 1500, Léonard de Vinci avait choisi un grand et très fin panneau de peuplier, un bois fragile. Sensible à l’humidité, le bois s’est détérioré au fil des années, il s’est “courbé, et même un peu fendu”. “Une terrible fissure part du haut du panneau et va jusque dans la chevelure de Lisa, mais s’arrête presque miraculeusement au niveau de son front”, décrivent Vincent Delieuvin et Olivier Tallec dans leur ouvrage Qu’est-ce qu’elle a donc, cette Joconde ?

Les restaurateur·rice·s ont rattrapé le problème et, pour prévenir toute nouvelle évolution, le tableau est examiné chaque année avec grande minutie. Cet examen est effectué dans la salle des États, où est exposée l’œuvre, afin d’éviter tout déplacement à la Monna Lisa. Si elle est traitée comme une star, c’est bien parce que c’en est une. Actuellement, le musée accueille “entre 25 000 et 30 000 personnes par jour et 90 % d’entre elles vont la voir”. La Joconde reçoit même du courrier au musée, pour lui souhaiter de bonnes fêtes ou prendre de ses nouvelles.

Pierre, tasse et tarte à la crème

La “Jocondomania” concentre attentions, convoitises et coups de buzz. Fin mai dernier, par exemple, un militant écologiste déguisé en vieille dame jetait un gâteau à la crème contre la vitre de Monna Lisa, décrivant son geste comme une action militante environnementale. “Pensez à la Terre. Il y a des gens qui sont en train de détruire la Terre. Pensez-y. Les artistes, […] pensez à la Terre. Tous les artistes, pensez à la Terre. C’est pour ça que j’ai fait ça. Pensez à la planète”, pouvait-on l’entendre dire sur des vidéos partagées sur Twitter.

Ce n’était pas la première fois que Monna Lisa faisait l’objet d'”attaques”. En 1956, un touriste lui avait lancé une grosse pierre qui avait cassé son verre et abîmé son coude gauche. En 2009, une autre touriste lui avait lancé une tasse, qui ne lui avait causé aucun dégât, cette fois-ci. Aujourd’hui, une grande vitrine blindée la protège des foules et lui assure une atmosphère parfaite, dosée grâce à des capteurs d’humidité. Depuis 2005, elle est installée, telle la star qu’elle est, seule sur une imposante cimaise.

Des copies par centaines

Il existe de très nombreuses copies du tableau (réalisées par des élèves de Léonard de Vinci au début du XVIe siècle ou, plus tard, par d’autres artistes) et certaines sont très convaincantes. Que Billy se rassure, il n’est pas le premier à avoir douté de l’authenticité du tableau placé sous verre au musée du Louvre. Dans les années 1950, le collectionneur d’art Raymond Hekking achetait une toile qui, il en était sûr, était “la vraie” Monna Lisa.

Obsédé par son œuvre, il a défendu l’authenticité de son achat des années durant, mettant en doute celle du tableau conservé au Louvre. Il insistait même auprès du musée afin qu’il prouve que Léonard de Vinci était bien l’auteur de cette toile. Décédé en 1977, Raymond Hekking n’a jamais obtenu gain de cause, mais son tableau est longtemps resté dans sa famille avant d’être vendu par la maison Christie’s qui voyait dans cette histoire “l’illustration parfaite de la fascination que La Joconde a toujours eue et qu’elle exerce de plus en plus”.

Un vol rocambolesque

Selon Raymond Hekking, c’était une fausse Joconde qui avait été retournée à Londres après son vol de 1911. Cette année-là, en effet, le célèbre tableau disparaissait du Louvre. En août 1911, un certain Vincenzo Peruggia, bien décidé à voir Monna Lisa retourner dans son Italie natale, s’était infiltré au sein du Louvre alors qu’il était désert, avait décroché la toile, avant de l’envelopper dans un linge et de quitter le bâtiment, son butin sous le bras.

Après l’avoir cachée à Paris puis sous son lit à Florence, il l’avait présentée au conservateur du musée des Offices, qui s’était empressé d’alerter la police. Peruggia a passé six mois en prison pour les faits commis, créant ainsi, sans le savoir, une histoire légendaire autour de La Joconde. Un siècle plus tard, l’histoire continue de passionner les foules puisque Jodie Foster planche actuellement sur la réalisation d’un film sur le sujet. Il reste peut-être un petit rôle pour Billy ?