En 1970, un professeur d’arts plastiques d’un lycée de la côte Est américaine s’empare de son appareil photo afin de se mettre sur un pied d’égalité avec ses élèves et de créer une proximité avec eux. La démarche paye puisque ce dernier, Joe Szabo, photographiera des générations d’élèves pendant 25 ans, immortalisant les années 1970-1980.
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De l’autre côté de l’Atlantique, et presque cinquante ans plus tard, la photographe Sian Devey réitère l’expérience : elle capture le quotidien des jeunes de son entourage avec sa série en cours, Martha, nom choisi en hommage à la fille de son mari. La série de Devey témoigne de l’évolution de la relation entre la jeune fille et sa belle-mère, et suit le groupe d’amies de Martha au quotidien.
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À première vue, ce sont bien sûr les différences qui frappent entre les deux séries, le noir et blanc datant sans ambages les images de Joe Szabo. Mais à plus y réfléchir, si toutes les images étaient en couleurs ou en monochrome, serait-on capable de distinguer les époques ? Si chacune des deux séries fait sens en elle-même, la confrontation des deux est intéressante.
L’immortalité de l’esprit adolescent
Si l’on rabâche à longueur de journée que tout va trop vite ou que les jeunes ne sont plus les mêmes, cette série impose une autre vision. Les jeunes n’y sont plus que des jeunes, qu’importe qu’ils fument leur cigarette et se baignent à moitié nus dans une rivière en 1970 ou en 2017. Les coupes de cheveux et les styles ont changé, mais la désinvolture des regards et la fraîcheur des images restent les mêmes.
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Les deux photographes ont en commun l’intimité qu’ils ont été capable de capturer. À travers leurs rôles de professeur et de figure maternelle, ils ont chacun développé une relation particulière avec leurs modèles, qui se trouvent eux-mêmes dans un moment très formateur de leur vie, comme l’énonce Sian Devey :
“Je suis fascinée par cette étape de développement pendant laquelle l’enfant commence à s’individualiser et à se séparer de ses parents. Il y a un moment particulier où il y a un enfant et un adulte qui cohabitent dans le même corps. C’est un moment tellement complexe et confus.
Pendant cette période de transition, il y a un créneau très court et spécifique pendant lequel une personne peut se comporter d’une façon totalement libérée des normes de la société et de ses attentes. Rapidement, la fenêtre se ferme et nous pouvons oublier ce que cela fait que d’être ‘détaché’.”
Même à un demi-siècle d’écart, les artistes sont parvenus à immortaliser l’éternel, cet esprit paradoxal, aussi libre qu’étouffé, entre deux âges.
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“Unterthered” était exposée à la galerie Michael Hoppen du 6 avril au 20 mai 2017.