Après plus de dix ans de pratique photographique, Petra Collins publie un premier livre, intitulé Coming of Age, aussi universellement touchant qu’intime sur la sortie de l’adolescence et la construction de son identité.
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Le premier ouvrage de Petra Collins porte bien son nom. Coming of Age, un terme qui renvoie au passage à l’âge adulte et au sortir de l’adolescence, met à l’honneur l’impressionnant chemin de celle qui photographie avec grâce, brutalité et tant d’autres dualités les affres de l’adolescence. Malgré son jeune quart de siècle, et le fait que Coming of Age soit son premier livre, Petra Collins n’en est pas à ses premiers faits d’armes photographiques.
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Depuis plus de dix ans, la photographie est plus qu’un passe-temps pour la jeune femme, qui a fait de son appareil une arme pour appréhender l’avancée des années et les changements (corporels, psychologiques, familiaux) que celle-ci entraîne.
Aujourd’hui, la photographe de nationalité canadienne et d’origine hongroise est autant reconnue par ses pairs que célébrée par un public de plus en plus large. Touche-à-tout, elle a vu passer devant son objectif des personnalités de la pop culture et du cinéma indépendant (Selena Gomez, Chance the Rapper, Rihanna, Samuel L. Jackson, Kim Kardashian ou le casting du superbe Mustang), a shooté les unes et éditoriaux de magazines de renom, tels que le New York Times, i-D, Garage Mag, ou encore Vogue, et a réalisé plusieurs films, à l’instar de sa campagne pour Gucci (tandis qu’elle participe à d’autres en tant qu’actrice).
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Que la série soit personnelle ou destinée à des fins commerciales, Petra Collins ne transige pas sur sa patte si particulière, ses filtres colorés et ses mises en scène qui pourraient rappeler la nostalgie adolescente du Virgin Suicides de Sofia Coppola.
Un livre sous forme de parcours initiatique
Ce n’est pas parce qu’elle a shooté les plus grands que ce premier ouvrage n’est qu’une ode à ses collaborations avec le strass et le cool du XXIe siècle. Au contraire, Coming of Age est un véritable objet intime qui compile des archives familiales, des notes à la première personne et des entretiens avec des contributeurs tels que des photographes (en particulier Laurie Simmons, en charge de l’introduction, et Marilyn Minter, qui mène un entretien avec Petra Collins), une éditorialiste, une activiste ou un directeur artistique.
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Les thèmes explorés sont tout à la fois extrêmement personnels et universels : l’instabilité familiale (mise en exergue à travers son “obsession” pour les photos de familles), les questions relatives à la santé mentale (sa mère et elle ont souffert de bipolarité et de crises d’angoisse à répétition), ainsi que le rapport au corps féminin : “[À huit ou neuf ans] mes professeurs de danse classique me tapaient sur les hanches en répétant ‘trop larges, trop larges’, alors que je n’avais que la peau sur les os”, écrit-elle.
Le livre s’organise comme un chemin retraçant le parcours d’une jeune femme pour qui la photographie agit comme un témoin et un miroir de ses névroses, de ses colères et de ses revendications. Les premières pages du volume présentent des images de son enfance dont les poses artificielles révèlent les malaises et soucis ambiants, note-t-elle, suivies par les images éthérées de jeunes filles dans l’innocence de leur amitié et de leur quotidien qui semblent n’exister que pour l’instant présent.
Armée de son appareil, Petra Collins immortalise la vie de lycéenne de sa sœur, qui alterne entre cours, soirées et sorties entre amies. Pourtant à peine plus âgée que sa sœur, Collins se pose en éternelle spectatrice de ces routines juvéniles. Rapidement, un ton plus cru s’impose, bien que l’atmosphère qui émane des photographies reste aérienne, voire parfois mystique.
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Une ambiance éthérée et des représentations parfois violentes
Ayant grandi dans les années 2000, les souvenirs de Petra Collins concernant les représentations des femmes sont standardisés, figés, photoshopés : ils renvoient à l’hypersexualisation des toutes jeunes pop stars de l’époque. C’est en s’intéressant de plus près à l’art photographique que la jeune femme découvre des images qui lui parlent, dans lesquelles elle peut se reconnaître, tel Ryan McGinley et ses nus “non sexuels”.
À un moment de l’adolescence où la sexualité et l’appropriation de son corps font partie des préoccupations et des interrogations principales des jeunes, décider de la mise en scène de modèles est un superpouvoir. Une puissance dont s’empare la jeune femme avec force, elle qui a souffert de troubles alimentaires et veut en finir avec une représentation lisse du corps féminin :
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“J’ai grandi dans la culture Lolita, à l’intérieur de laquelle l’archétype du corps parfait était celui d’une fille prépubère. Plus je voyais, photographiais et discutais avec d’autres filles, plus mes photos faisaient état de la violence que je ressentais. Je voulais que les gens se sentent mal à l’aise en regardant mes images de jeunes filles.
Elles étaient particulièrement controversées parce que j’étais moi-même une jeune fille quand je les ai prises. Dans un autre contexte, ça aurait pu être du porno, mais à travers mon objectif c’était des images d’horreur.”
Elle donne ainsi à voir des corps en souffrance, couverts de bleus ou en train de saigner, dans l’étrange intimité qu’offrent les lumières blafardes de vestiaires de gymnases ou de couloirs d’établissements scolaires.
Si le sujet est intemporel, l’artiste ancre tout de même ses images dans son époque. Elle met par exemple en abîme la question de la représentation, dans de géniales photographies où son appareil se fait tout petit et immortalise des jeunes femmes se prenant en photo avec leur téléphone.
Au fil des pages, on assiste au déroulement du parcours de l’artiste précoce. Rapidement, elle signe des unes de magazines, qu’on retrouve dans le livre accompagnées de portraits de la photographe, jusque-là “cachée” derrière son appareil.
Dans une démarche toujours plus personnelle, Petra Collins commente quelques-unes de ses séries les plus sensibles, à l’exemple de 24-Hour Psycho, son travail sur les maladies mentales et Home Again, un ensemble d’images éthérées habitées par des flous ou des surexpositions emplis de mélancolie et de souvenirs, qui deviennent presque des objets à part entière des images.
Si, à raison, Petra Collins refuse d’être étiquetée, on peut toutefois noter que sa démarche créative fait écho à la mouvance contemporaine du female gaze, qui consiste à laisser la vision des femmes artistes s’exprimer afin d’exposer la diversité de la réalité des corps, en particulier féminins.
Faisant preuve d’autant de créativité et de sensibilité avec les superstars du moment qu’auprès d’adolescentes de son voisinage, la photographe insiste sur la malléabilité des frontières internes à la photographie et aux émotions que celle-ci nous fait ressentir.
Coming of Age de Petra Collins, Laurie Simmons et Marilyn Minter est disponible aux éditions Rizzoli New York.
Vous pouvez retrouver le travail de Petra Collins sur son site Internet et sur son compte Instagram.