En Italie, une sculpture qualifiée de “gifle sexiste” fait polémique

Publié le par Lise Lanot,

© Francesca Piazzoni

On cherche encore à savoir pourquoi une figure révolutionnaire est représentée avec des seins et des fesses moulées.

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Au bord de la mer Tyrrhénienne, dans la petite commune italienne de Sapri, une statue récemment inaugurée rend hommage à un célèbre poème. “La Glaneuse de Sapri” (“La Spigolatrice di Sapri” en italien) narre l’histoire de l’insurrection manquée de l’anarchiste Carlo Pisacane contre le royaume des Deux-Siciles, au XIXe siècle.

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Le poème, écrit par Luigi Mercantini, prend la voix d’une glaneuse ayant rejoint le mouvement et qui assiste au massacre de Carlo Pisacane, dont elle est tombée amoureuse, et des 300 patriotes qui l’accompagnent. “Ils étaient 300, ils étaient jeunes et forts, et ils sont morts”, répète-t-elle.

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L’artiste Emanuele Stifano a été commissionné pour rendre hommage à ce poème et à l’épisode de l’histoire italienne qui l’a inspiré. Récemment inaugurée, la glaneuse de bronze n’a reçu l’approbation que d’un parterre d’hommes, nombre de politiciennes ayant fait part de leur indignation face à la silhouette de femme dénudée qui borde désormais le front de mer de Sapri. 

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La Spigolatrice d’Emanuele Stifano est affublée d’une robe qui dénude ses épaules et, surtout, qui moule ses seins et ses fesses. Plutôt qu’une figure littéraire ou révolutionnaire, on croit voir une représentation 3D d’une couverture d’un magazine de charme. 

Une “gifle sexiste”

Le quotidien italien La Repubblica, cité par Courrier international, rapporte l’ire de nombreux·ses internautes ainsi que de plusieurs politiciennes du pays, “à l’instar de la sénatrice du Parti démocrate [centre gauche] Monica Cirinnà”.

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Sur Twitter, cette dernière a dénoncé, comme de nombreuses collègues, une “gifle à l’histoire et aux femmes, qui ne sont encore que des corps sexualisés” : “Cette statue ne dit rien de la glaneuse et de la détermination de celle qui a choisi de ne pas aller travailler pour se ranger contre les oppresseurs Bourbons”, dénonce-t-elle.

L’ancienne sénatrice Manuella Repetti a quant à elle signé une tribune sur la version italienne du Huffington Post, qualifiant la statue de “gifle sexiste” lancée “à toutes les femmes, surtout celles qui essaient chaque jour de combattre ce machisme sournois qui s’insinue dans tous les recoins de notre vie quotidienne”. “#DéboulonnonsLaGlaneuseDeSapri”, conclut la femme politique. Des dénonciations qui rencontrent des murs.

Une défense molle et hors de propos

Sur son compte Facebook, le sculpteur s’est déclaré “bouleversé” par ces réactions : “On m’a porté toutes sortes d’accusations qui n’ont rien à voir avec ma personne et mon histoire. Lorsque je réalise une sculpture, j’ai toujours tendance à couvrir le moins possible le corps humain, indépendamment du sexe.”

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Emanuele Stifano affirme que c’est la “brise marine” de Sapri qui l’a inspiré à tailler ces voilures si près du corps de la glaneuse. De même, selon lui, sa représentation n’est pas “un instantané fidèle d’une agricultrice des années 1800”, mais plutôt “un idéal de femme”. Si cette déclaration est supposée rattraper les choses et prouver que sa création ne pose pas problème, c’est râpé.

L’émoi provoqué par la sculpture n’a pas non plus fait faiblir les autorités italiennes, qui persistent et signent, affirmant fièrement ne pas voir à quel point sexualiser à ce point le peu de représentations de femmes dans l’espace public est un problème. L’ancien sénateur et secrétaire d’État au développement économique a indiqué, sur Facebook toujours, qu’il était hors de question de se débarrasser de la statue :

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“La nouvelle statue de Sapri a été parfaitement interprétée et réalisée avec un savoir-faire impeccable par l’artiste Emanuele Stifano. En revanche, je trouve que les critiques formulées par l’ex-sénatrice Manuela Repetti dans le ‘Huffingtson Post’ [sic] sont extrêmement violentes, parfois sexistes et insultantes pour notre communauté.

En plus de faire preuve de peu de connaissances sur notre histoire locale et l’histoire de l’art, elle incite à déboulonner cette statue comme cela s’est malheureusement produit récemment dans d’autres pays dépourvus de démocratie ou dans le passé, à cause de la censure.”

Une polémique loin d’être isolée

Ce n’est pas la première fois qu’une statue de femme censée représenter une figure historique ou une allégorie est sexualisée et connaît ce genre de réactions. Il semble même qu’il soit plutôt rare de tomber sur une statue de femme qui ne représente pas un corps jeune aux seins pointés vers le ciel et aux fesses bombées.

Preuve en est avec les statues hommage au mouvement #MeToo ou à la “mère du féminisme” Mary Wollstonecraft, ainsi qu’aux nombreux exemples partagés sur Twitter par des internautes en réponse à la statue de la glaneuse de Sapri.