Une foule de créatures immobiles, répliques troublantes du genre humain créées par les grand·e·s artistes du mouvement de l’hyperréalisme, attend le public dans un ancien entrepôt industriel de Lyon pour une exposition inédite en France.
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Nus ou habillés, debout, assis ou couchés, célèbres ou inconnus, les personnages de l’exposition itinérante “Ceci n’est pas un corps” se sont installés au dernier étage de la Sucrière après avoir séjourné à Bilbao, Canberra, Rotterdam, Liège et Bruxelles.
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“Au-delà de la performance technique des statues de cire proposées par les musées type Grévin ou Tussauds, l’hyperréalisme veut capter l’âme humaine : il s’agit d’exacerber le réel pour nous atteindre”, souligne Benoît Remiche, le “chef d’orchestre” de l’événement organisé par sa société Tempora. Le titre de l’exposition renvoie au “Ceci n’est pas une pipe” de René Magritte.
De l’Australien Ron Mueck, surnommé le “Pape de l’intime hyperréaliste” pour ses créations d’une précision saisissante, à l’Américain Duane Hanson, un des pionniers du genre, l’exposition présente une trentaine d’artistes internationaux·les.
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Elle vise à illustrer les ramifications du mouvement apparu dans les années 1960 aux États-Unis, en contrepoint de l’art abstrait, dans le prolongement du pop art d’Andy Warhol ou de peintres réalistes comme Edward Hopper.
Mèche impeccable, regard pensif, Andy Warhol est présent, avec un buste imposant signé par le japonais Kazu Hiro, un maquilleur professionnel de Hollywood reconverti dans la sculpture de célébrités.
Dès l’entrée de l’exposition, la présence d’une jeune femme brune, visage caché, corps ployé face à un mur, interroge : que fait-elle ? Pleure-t-elle ? Regarde-t-elle quelque chose ? Contrairement aux apparences, Caroline n’est pas vivante, c’est une sculpture de résine de polyester de l’artiste français Daniel Firman.
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L’effrayant Jonathan, un marchand d’art réduit au fauteuil roulant, bras et jambes plâtrés, a été posté à la sortie. C’est pour “questionner le marché de l’art, où tout tourne autour de l’argent” que Daniel Glaser et Magdalena Kunz, un couple d’artistes suisses, lui ont donné vie.
Nouveau-né géant encore gluant de placenta, nageuses de silicone au buste perlé d’eau, gisante en marbre posant avec son appareil photo et son lance-missile… Le courant hyperréaliste regroupe des “œuvres très différentes, avec des enjeux différents et un seul point commun, l’apparence de vie”, estime Peter Land.
Cet artiste danois de 55 ans présente à Lyon un autoportrait intitulé Retour à la case départ, un sans-abri endormi sur des couvertures sales, le corps distendu dans un long empilement de cartons. “Cette sculpture s’inspire de ma propre peur de finir comme ça”, explique-t-il.
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Pour créer son double, Peter Land a moulé son propre corps dans du silicone, coulé sa forme en fibre de verre, avant de la peindre et de la vêtir de ses propres habits. La ressemblance est telle que “la première fois que je l’ai vu, j’ai eu le sentiment de me voir mort, c’est effrayant”, dit-il.
Son message ? “Rappeler aux gens à quel point la vie peut être précaire”, la présence d’un sans-abri permettant de montrer que “les musées sont des lieux qui étayent les inégalités de la société”. Un discours porté avant lui par Duane Hanson.
Pour répondre à une commande du musée VG Bild-Kunst de Bonn, cet artiste américain avait, en 1993, choisi comme modèle un concierge en blouse de travail. “La conservatrice du musée se troublait tous les jours de voir ce concierge dédoublé, à la fois réel et statufié, à la fois œuvre d’art et salarié”, explique Benoît Remiche.
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Ce passionné aime aussi rappeler l’émoi suscité dans les années 1970 par le sculpteur belge Jacques Verduyn : Pat & Verle, deux jeunes baigneuses dans leurs chaises longues avaient été exposées en devanture d’une galerie et “cela révoltait les passants de voir des humains à demi-nus dans une vitrine”. Caroline, Jonathan, Pat & Verle resteront à Lyon jusqu’au 6 juin 2022. Prochaine étape, Paris, au musée Maillol, à partir du 7 septembre 2022.