“J’aime dessiner des fesses. Ça a un effet méditatif sur moi.” Il y a, dans les œuvres de Sawako Kabuki, une vraie volonté de vous déstabiliser. Et c’est une très bonne chose. Pop et décomplexé, l’univers de cette artiste japonaise se décline entre des fresques et des vidéos d’animation déroutantes. On n’est d’ailleurs jamais à l’abri de voir se multiplier des morceaux de fesses et autres allusions (étrangement attrayantes) aux défécations et tout autre fluide qu’on aurait trop peur d’apprécier en art.
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Sa dernière création en date, intitulée Butt Therapy, sera exposée du 24 février au 8 avril 2023 à la Galerie Miyu. Au programme de cette toute première exposition personnelle en Europe : une vingtaine d’œuvres inédites issues de son imagination effervescente. Le tout articulé autour du désir de “dépeindre les quatre [besoins] – ou désirs – de la vie, comme la nourriture, le sexe, le sommeil et l’excrétion”. Rien que ça. Portrait d’une des artistes les plus cool du moment.
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L’art sans culotte
Née à Tokyo en 1990, Sawako Kabuki obtient une licence de graphisme à l’université d’art de Tama, avant d’évoluer comme assistante réalisatrice dans la production de films pornographiques. Une expérience qui stimulera son goût pour les thèmes tabous et nos rapports à ces grands interdits qu’on contourne ou qu’on censure quotidiennement.
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Car l’art de Sawako Kabuki est celui de la corporalité féminine, mais également celui de l’audace. Des corps nus de femmes qui s’emboîtent, se croisent, se touchent, dans des œuvres toujours plus colorées et surréalistes. Dans certaines de ses créations, des vagues de minuscules personnages semblent remplacer les fluides corporels et les cheveux. Ils s’entassent dans la peau, les dents, les ongles et d’autres parties plus intimes de manière désordonnée, où ils sont grattés, épilés, poussés et tirés en gros plans intimistes.
Une volonté de sublimer les sphères du quotidien et de l’intime à travers des compositions qui dépassent la provocation pour s’inscrire dans un registre taquin. Ou comment contourner la honte et le tabou de façon visuelle, captivante et moderne.
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Tout en contrastes
En termes de proportions, le micro se conjugue au macro, et de tout petits corps évoluent en synchronie avec des éléments plus imposants qui servent presque de paysages. Les couleurs sont franches et s’affrontent dans un jeu de contraste percutant, avec un bleu et un rouge vifs en ligne de front. C’est une combinaison de teintes qui fascine l’artiste depuis toujours : “Comme les taureaux détestent et attaquent la couleur rouge, certaines combinaisons de couleurs m’ont toujours excitée… Comme le magenta et le cyan, le rouge et le bleu, le jaune et le bleu, le pêche et le bleu ciel, etc. Je les utilise selon mon humeur.”
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Le catalogue de Sawako Kabuki est une poésie visuelle entre couleurs éclatantes et style frondeur, qui se déguste également en version animée. Ses films ont d’ailleurs été sélectionnés et récompensés lors de nombreux festivals internationaux dans plus de 20 pays, notamment à Annecy, Ottawa, Zagreb, Rotterdam, Sundance et SXSW, à l’image de son œuvre Summer’s Puke is Winter’s Delight, qui avait fait parler d’elle en 2016 pour son traitement frontal de la boulimie.
Pour son court-métrage I’m Late, qui sera présenté lors de l’exposition, l’illustratrice s’attaque à un autre tabou bien connu de la moitié de la population mondiale : les menstruations. De quoi faire couler beaucoup d’encre, voire quelques gouttes de sang.
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Cette envie de générer autant la fascination que le dégoût semble aujourd’hui guider Sawako Kabuki dans ses projets, l’artiste avouant elle-même rechercher la recette parfaite pour susciter l’amour-haine dans son art.
“Quand un diagramme dans un livre sur le système solaire explique que Jupiter est étonnamment grande par rapport à la taille de la Terre, je me sens vraiment dépassée”, dit-elle. “J’espère pouvoir évoquer un sentiment d’inconfort similaire dans ma nouvelle série.”
L’exposition “Butt Therapy” sera exposée du 24 février au 8 avril 2023 à la Galerie Miyu, à Paris.