Du 7 avril au 28 mai, le musée Fotografiska de Stockholm accueille quelque 350 photographies d’Arthur Fellig, plus connu sous le nom de Weegee, pionnier du photojournalisme.
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Au début du XXe siècle, les images du photographe Weegee ont été rassemblées aux États-Unis au sein d’un fonds national qui a souffert des aléas du temps et de changements de direction. Son contenu a donc fini par être oublié, avant qu’en 2012, un expert en photojournalisme nommé Ryan Adams ne tombe sur ces photos remisées dans un lieu de stockage au fin fond du Midwest.
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Ces photos n’ayant pour la plupart jamais été exposées, Ryan Adams a joué au détective afin d’analyser les images, de rechercher leur origine et de rassembler les travaux produits par Weegee :
“C’est un sentiment incroyablement excitant d’être capable d’identifier une image. Cela prend énormément de temps de remettre dans l’ordre toutes les pièces du puzzle afin de démontrer que telle image a été prise à tel moment, à tel endroit par tel photographe. Au début, j’ai réussi à identifier 10 photos inconnues de Weegee. Maintenant le nombre est passé de 10 à 350.”
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Photos en noir et blanc et personnage haut en couleur
Né en Ukraine à la toute fin du XIXe siècle, Usher Fellig émigre avec ses parents à New York alors qu’il a une dizaine d’années et choisit de se faire appeler “Arthur Fellig” pour américaniser son patronyme. Dès les années 1920, le jeune homme commence à assister des photographes en travaillant en chambre noire et en rendant de menus services dans divers journaux. C’est en 1935 qu’il devient photographe free-lance et commence à se faire connaître sous le nom de Weegee.
Selon ses propres mots, publiés en 1987 dans le magazine Bomber, il n’a pas “attendu que quelqu’un [lui] trouve un emploi” et s’est créé un travail lui-même : celui d’immortaliser les affaires criminelles des bas-fonds new-yorkais. Photographe de presse, Weegee se spécialise dans les histoires sordides auxquelles est confrontée la police de la Grosse Pomme.
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La ville, en particulier ses quartiers les moins aisés, est à l’époque victime de la mafia et de sa corruption : meurtres, incendies, fusillades et braquages font les choux gras de la presse. Celle-ci divertit son lectorat grâce à des témoignages sur ces incidents, en les illustrant d’images toujours plus précises.
Surfant sur cette vague, Weegee ne tarde pas à devenir le maître de ce genre de situation. Roulant de nuit, à bord de sa voiture dans laquelle il a installé une radio grâce à laquelle il intercepte les communications de la police, il passe de scènes de crime en scènes de crime, arrivant sur les lieux parfois avant même les flics.
Il se distingue en proposant des images documentaires qui ont la valeur ajoutée d’engager le spectateur et les personnes présentes : “Si un incendie éclatait, il photographiait les yeux exorbités et terrifiés des gens alentour plutôt que de simplement documenter les flammes. Il en allait de même pour les victimes de meurtres, ses photos provoquaient toujours une réaction”, affirme Lisa Hydén, coordinatrice de l’exposition.
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Connu pour son sang-froid et son tempérament cynique, Weegee n’hésite pas à photographier les victimes d’un braquage ou des cadavres à même le sol, sans que cela ne paraisse beaucoup le toucher. Toujours dans Bomber, il affirmait :
“Les trucs les plus faciles à couvrir sont les meurtres parce que les macchabées restent allongés sur le sol. Ils ne peuvent pas se lever, s’en aller ou faire des manières. Ils restent là pendant bien deux heures. Pendant des incendies, il faut travailler très rapidement.”
Ce ton laconique et détaché est mis en lumière à travers l’exposition EXTRA! Weegee du musée Fotografiska qui, en plus d’exposer 350 images (parfois inconnues du grand public), présente les notes prises par le photographe sur les scènes de crime. Le musée souligne que le contenu de l’exposition est une véritable archive historique qui documente un passé sanglant et “rappelle malheureusement la situation actuelle de la violence organisée des gangs et les révélations récentes de corruption en Suède”.
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Figurant souvent dans ses propres photos, Weegee était connu à travers la ville, pour son travail mais aussi pour sa personnalité charismatique qui a fait couler beaucoup d’encre, autant de son vivant qu’après sa mort. Une bande dessinée récemment sortie revient d’ailleurs sur ses pratiques peu orthodoxes.
Cette exposition permet de se replonger dans le travail d’une figure majeure du photojournalisme new-yorkais mais aussi de profiter de cette mise en abîme farfelue qui place Weegee, détective amateur des années 1950, au cœur de l’enquête d’un autre détective amateur, Ryan Adams qui authentifie ses photos depuis 2012.
EXTRA! Weegee est visible au musée Fotografiska jusqu’au 28 mai 2017.