Il a grandi dans le plus grand bidonville de Rio de Janeiro, la Rocinha, où il peint, animé d’une “nouvelle conscience noire” : l’artiste brésilien Maxwell Alexandre, 31 ans, est exposé en ce moment au Palais de Tokyo.
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“Il n’y a pas longtemps que j’ai réussi à m’identifier comme Noir et c’est un grand pas”, confie-t-il à l’AFP, en pleine installation de ses gigantesques peintures, réalisées sur papier kraft, dit “pardo”, une référence directe à sa couleur de peau et à la place des métis·se·s et des Noir·e·s dans la société brésilienne.
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Parmi elles, un autoportrait, silhouette toute noire sur un gigantesque fond kraft, reconnaissable à ses dreads et son ample sweat-shirt, et témoignage direct de sa “nouvelle conscience noire”. Il explique : “Au Brésil il existe le terme ‘pardo’, pour dire ‘plus ou moins blanc’ et c’est problématique.” Car c’est la traduction d’une “politique d’inclusion sociale des noirs” qui atteste en réalité d’un racisme ordinaire, dénonce-t-il.
“J’ai vécu 31 ans dans la Rocinha, un endroit très intense, très contrasté, très connu aussi comme la plus grande favela d’Amérique latine […]. Je viens d’où je viens et cela continue de m’affecter, mais c’est réducteur de prendre ce seul fil rouge pour décrire ma peinture”, cadre-t-il, se disant autant influencé par la vie quotidienne de la favela que par “les mangas, les films, le hip-hop ou la mode”.
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Intitulée “New Power”, son exposition, à Paris jusqu’au 20 mars 2022, parle de l’art “comme nouvel outil d’ascension sociale pour les Noirs”, dit-il. Elle s’inscrit dans le cadre de la saison “Six continents et +” du Palais de Tokyo qui présente plusieurs artistes à l’engagement anticolonial et antiraciste.
“Reprendre son pouvoir”
Cela pourrait être le football, la musique. “Pour moi, c’est l’art, la liberté dans un domaine exclusif, dans une communauté qui ne côtoie pas l’art contemporain […]. Quand j’ai découvert et compris l’art, j’ai pu entrer dans un récit, le mien et celui des personnes noires.”
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Né en 1990, Maxwell Alexandre est diplômé de l’université catholique pontificale de Rio de Janeiro. Il a organisé son baptême artistique en 2018 à Rio avec une exposition mêlant peinture et performances, aux côtés d’un ami musicien qui faisait office de prêtre de cérémonie. Ce qui lui a valu d’être repéré.
Une première monographie hors du Brésil a été présentée au musée d’art contemporain de Lyon où il a travaillé en résidence en 2019. À l’époque, son travail, très coloré, remplissait chaque recoin du support en papier, évoquant ainsi la densité humaine des mégapoles d’Amérique latine et reproduisant des scènes de la vie quotidienne.
Ce travail, dit-il, parlait “de la façon dont la communauté noire reprend son pouvoir ; on y voyait des avions, de l’argent, des voitures”, autant de symboles extérieurs de richesse. “Cette fois c’est la même chose mais dans le contexte de l’art contemporain : les figures noires occupent le ‘cube blanc’, symbole d’un savoir académique des institutions artistiques”, dit-il.
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Ses personnages, noirs, peints grandeur nature, isolés ou en groupe, n’ont pas d’yeux, de bouche, de nez ou sont seulement esquissés. Ils surgissent au milieu de carrés bruns, blancs qui découpent l’espace de la feuille de papier et celui de la salle d’exposition à la façon d’un labyrinthe, happant au passage le public, renvoyé à sa propre image, son identité et son altérité.
“Il défend son sujet en ouvrant des portes de manière frontale et invite la population de Rio dans le musée, lieu de pouvoir du ‘cube blanc’.” Nom d’une célèbre galerie internationale d’art contemporain (White Cube), cette expression “mondialisée” signifie aussi le rejet de l’omnipotence du pouvoir blanc dans l’art, commente Hugo Vitrani, curateur de l’exposition.
Avec AFP.
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