Il y a 18 ans que le photographe Thomas Holton est entré dans l’intimité des Lam, une famille new-yorkaise résidant à Chinatown. Depuis, ils ne se sont plus quittés, ces deux décennies leur permettant de nouer des liens solides : “On se considère comme une famille… C’est juste qu’en plus, j’ai toujours un appareil avec moi”, glisse l’artiste.
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Cette aventure commune débute vers 2003. Thomas Holton poursuit alors déjà sa quête de “donner une histoire et un visage au Chinatown new-yorkais” :
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“Ce quartier change rapidement et se gentrifie au fur et à mesure que New York évolue et se métamorphose. Il y a de nouveaux jeunes gens qui y emménagent parce qu’ils sont attirés par la vie nocturne et la scène artistique, mais je veux que les gens sachent que des générations de familles ont vécu dans ce quartier et qu’il a plus à offrir que des bars sympas et une vie sociale hype. Je voulais aussi montrer que tout le monde a une histoire unique à raconter.”
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Un récit nécessaire, “surtout en ce moment”
Pour Thomas Holton, lui-même asiatique-américain, il est crucial, “surtout en ce moment”, alors que les actes racistes et violents perpétrés à l’encontre de la diaspora asiatique ont connu une terrible hausse depuis le début la pandémie du Covid-19, “d’ajouter de l’humanité à ces discussions [sur la diaspora] et d’honorer les histoires et expériences de chacun”.
Dans l’exposition virtuelle organisée par la Home Gallery, les portraits du photographe sont d’ailleurs accompagnés de citations, témoignages et descriptions des Lam, afin que la famille puisse se raconter par les mots autant que par les images.
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Le double hommage rendu à la famille Lam et à leur quartier se poursuit actuellement en vitrine de la Home Gallery. Situé à quelques pâtés de maison de l’appartement des Lam, le lieu présente toutes les deux semaines, et face à la rue, une photographie de la série The Lams of Ludlow Street.
Sur le trottoir, les passant·e·s se retrouvent nez à nez avec les images et découvrent une tranche d’intimité de cette famille du quartier. De quoi mettre à l’honneur les histoires individuelles des familles résidant à Chinatown, ainsi que l’expérience générale des diasporas asiatiques aux États-Unis puisque, comme le note la galerie, la série consiste en “l’histoire d’une famille américaine d’origine chinoise, plutôt qu’un essai simplifié sur une famille chinoise vivant aux États-Unis”.
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Un membre de la famille à part entière
La rencontre de Thomas Holton avec les Lam résulte d’un heureux hasard, survenu alors qu’il accompagnait une intervenante pour le droit au logement lors de ses déplacements. “J’ai rencontré une douzaine de familles différentes, et l’une d’elles était les Lam”, s’émerveille-t-il encore, 18 ans plus tard.
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Thomas Holton se remémore avoir rendu visite aux Lam plusieurs fois par semaine les premières années : “Maintenant, même si j’ai un travail à plein temps et une famille, je continue de leur rendre visite une fois toutes les deux semaines pour passer du temps avec eux et prendre de leurs nouvelles. Deux des trois enfants ne vivent plus chez leurs parents mais, dès qu’ils sont de retour, je reviens pour profiter de leur passage.”
Sans nécessairement les photographier à chaque visite, Thomas Holton est devenu un membre à part entière de la famille, récupérant les enfants après l’école ou partant en voyage avec la famille, rapporte Creative Boom. Cet attachement est perceptible à travers la série du photographe, qui insiste sur le lien de confiance qui les unit. En plus de montrer son travail à la famille et de partager les bénéfices engrangés par celui-ci, Thomas Holton souligne prendre “peu d’images des Lam en action… mais plutôt des portraits”.
Après 18 années de collaboration, l’artiste insiste, il continue à prendre en photo les Lam et ne compte pas s’arrêter de sitôt : “Je pense toujours à comment faire avancer leur récit. Mon défi, c’est de produire de nouvelles photos racontant un nouvel aspect de leur histoire sans me répéter. Je mets de côté de nombreuses images et j’évite celles qui se ressemblent.”
L’intimité transmise par les images de la série est renforcée par les titres choisis par le photographe : “Ils sont très importants parce qu’ils orientent l’histoire”, confirme-t-il. L’étreinte entre la mère et l’une de ses filles prend par exemple davantage de relief lorsqu’on lit qu’il a été immortalisé un mois avant qu’elle ne parte pour l’université. Même chose pour un portrait de groupe où la tension visible sur les visages et les gestes des membres de la famille prend tout son sens lorsqu’on comprend qu’il a été pris en plein épisode de Black Mirror.
D’année en année, d’image en image, le public suit les vicissitudes de cette famille anonyme. Thomas Holton n’efface pas son individualité au profit d’une narration collective mais parvient à équilibrer ces deux pans, servant un récit intime mais jamais voyeur, singulier et jamais superficiel.