Dans une performance de sang menstruel, cheveux et henné, Zehra Doğan soutient les Iraniennes

Publié le par Lise Lanot,

© Zehra Doğan

À cause de sa performance forte, l’artiste Zehra Doğan a été emmenée en détention.

A voir aussi sur Konbini

Ce lundi 26 septembre, l’artiste kurde Zehra Doğan s’est rendue devant le consulat de la République islamique d’Iran où elle a réalisé une performance qui l’a brièvement envoyée en détention. Sa performance était réalisée en réaction à la mort de Mahsa Amini et en soutien aux manifestations qui en ont découlé, en Iran et à travers le monde.

Publicité

Mahsa Amini a été tuée le 16 septembre dernier “après son arrestation pour ‘port de vêtements inappropriés’ par la police des mœurs, chargée de faire respecter le code vestimentaire strict dans la République islamique”, nous rapportions-vous alors. Sa famille a rapporté que la jeune femme de 22 ans, originaire de la région du Kurdistan, avait reçu des coups mortels assénés en centre de détention – une affirmation démentie par les forces de l’ordre.

Publicité

“Berlin, le consulat iranien. Nous sommes face à eux avec ce qu’ils maudissent : du sang menstruel, du henné et des cheveux. Nous ne sommes pas seules, nous sommes partout !”

Publicité

Artiste et journaliste militante, Zehra Doğan est allée étaler un mélange de “sang menstruel, henné et cheveux”, soit tout ce qu’“ils maudissent” – le pronom représentant les dirigeants iraniens. Sur une vidéo publiée sur ses réseaux sociaux, on voit l’arrestation de l’artiste par deux policiers alors qu’elle est en train d’étaler son mélange sur les grilles de l’ambassade.

Un·e porte-parole de l’activiste a déclaré auprès de The Art Newspaper que Zehra Doğan avait été placée en détention puis relâchée : “Aucune sanction n’a été prononcée à son encontre pour le moment, mais il est possible que le consulat iranien lui impose de payer une amende pour dégradation de biens”.

Publicité

Zehra Doğan n’en est pas à ses premières confrontations avec la police. En 2016, elle se faisait arrêter à la frontière turque-syrienne. Accusée de “diffuser de la propagande terroriste”, elle était condamnée à un emprisonnement de “deux ans et dix mois” pour avoir “peint des drapeaux turcs sur des bâtiments détruits”, rapportait-elle sur Twitter à l’époque.

Durant son incarcération, l’artiste a continué de créer – notamment des œuvres réalisées à base de sang menstruel, d’épices et de café moulu mélangés sur des supports en carton ou en tissu et exfiltrées de prison grâce à son linge sale. Le street artiste Banksy lui avait apporté son soutien via une œuvre d’envergure réalisée sur un mur new-yorkais.

Publicité

L’appel des artistes iranien·ne·s

L’accès à Internet est particulièrement difficile en Iran depuis le début des manifestations en soutien à Mahsa Amini – une décision du gouvernement visant à complexifier l’organisation des militant·e·s. Les artistes iranien·ne·s tentent tout de même d’alerter et sensibiliser le reste du monde via leurs réseaux – à l’instar de Newsha Tavakolian, photographe signée chez Magnum – grâce, entre autres, au hashtag #MahsaAmini.

Dans la capitale, “toutes les galeries et institutions artistiques sont fermées, souvent en solidarité avec les manifestants”, décrit un·e artiste de Téhéran auprès d’Artnet : “Tout le monde est aux manifestations.” Selon une autre source, certaines galeries servent de “refuges” pour les manifestant·e·s.

Publicité

Dans une vidéo publiée le 25 septembre dernier, le réalisateur iranien Asghar Farhadi appelait “tous les artistes, les cinéastes, les intellectuel·le·s, les militant·e·s pour les droits humains du monde entier et de tous les pays, ainsi que toutes les personnes qui croient en la dignité humaine et en la liberté” à se montrer solidaires avec les “braves et formidables citoyen·ne·s d’Iran” en “réalisant des vidéos, écrivant ou par tout autre moyen”.

Regroupé·e·s, des cinéastes iranien·ne·s ont partagé une lettre ouverte appelant leurs collègues du monde entier à “donner écho aux cris du peuple iranien pour la liberté”. La lettre est signée des artistes Shirin Neshat, Zar Amir Ebrahimi, Pegah Ahangarani, Bahman Ghobadi, Abdolreza Kahani, Ali Abbasi, Kaveh Farnam, Farzad Pak et Ali Ahmadzadeh.

Depuis la France, l’actrice d’origine iranienne Golshifteh Farahani partage également sur son compte Instagram nombre de photos et vidéos rapportant la situation en Iran et les violences subies par son peuple et tues par le pouvoir.

L’appel de la communauté internationale

Pendant que les Iraniens et Iraniennes osent sortir dans les rues, au péril de leur vie, la diaspora et une partie du monde tentent de leur apporter leur soutien sur les réseaux et en manifestations. Une longue liste de “chercheur·se·s et académicien·ne·s du monde entier” a partagé une lettre de soutien appelant à “la fin d’une violence d’État systémique contre les Iraniennes” et soutenant “leurs luttes pour l’égalité, la justice et la liberté”.

“Nous appelons à la solidarité avec les femmes, les dissident·e·s politiques et […] les minorités ethniques, religieuses et sexuelles ainsi que les personnes les plus pauvres en Iran.” À Toronto, rapporte Hyperallergic, des artistes originaires d’Iran et du Canada ont coupé leurs cheveux devant l’Assemblée législative, en soutien aux Iraniennes. Au 28 septembre, la BBC estimait déjà à 76 le nombre de personnes tuées par les forces de sécurité iraniennes “en onze jours de manifestations”.