On ne vous la présente plus. Prune Nourry a décidé de poser ses bagages au sein de la renommée Galerie Templon, au cœur de Paris. Fidèle à ses sujets de prédilection, l’artiste offre ici une nouvelle réflexion autour du corps. Dans cette exposition, le public est invité à découvrir ses sculptures de bustes en usant d’un sens, le toucher, puisque l’espace est plongé dans le noir.
Publicité
Prune Nourry crée des œuvres qui racontent des histoires. De ses Terracotta Daughters – enfouies dans un lieu secret jusqu’en 2030 – à son Amazone Érogène directement inspirée de son cancer du sein, la sculptrice française nous offre une nouvelle fois un récit artistique émouvant et engagé.
Publicité
À travers le Projet Phenix, l’artiste propose aux visiteur·se·s de découvrir huit bustes de modèles malvoyant·e·s qu’elle a invité·e·s à poser pour elle. Cuites selon la technique japonaise du raku, ces sculptures sont immergées dans des cendres après être sorties du four, comme un phénix qui renaît de ses cendres.
Publicité
L’artiste elle-même a décidé de ne pas voir ses sculptures, ni pendant leur création ni même après. Les yeux bandés tout du long de son travail, elle a uniquement utilisé son sens du toucher pour sculpter ces portraits d’hommes et de femmes. À ce jour, seul le commissaire d’exposition a vu les sculptures. Et alors que nous marchons dans le hall d’entrée de la galerie parisienne, nous savons que nous ne les verrons pas non plus.
Une expérience inédite
Après de courtes instructions, nous pénétrons dans l’espace d’exposition. Nous ouvrons un premier rideau de velours et nous remarquons que la salle est complètement plongée dans le noir. On se sent d’abord un peu déroutées, puis on s’habitue progressivement à l’obscurité.
Publicité
Des bandes podotactiles et une corde au mur nous guident ; chaque nœud nous indique qu’une œuvre se trouve à notre gauche. Nous touchons les premières sculptures timidement, puis à deux mains afin d’imaginer à quoi ressemble le ou la modèle.
Des pommettes saillantes, de grandes oreilles, des cheveux longs ou courts, un nez aquilin : pour chaque sculpture, et tandis que nos doigts glissent sur les visages en argile, une image se forme dans notre esprit et fait fonctionner notre imagination.
Publicité
Après les quatre premières sculptures, nous entrons dans une nouvelle pièce, cette fois illuminée. Le décalage entre l’obscurité de la galerie principale et cette salle lumineuse est prenant. Nous découvrons des empreintes de mains, celles des modèles, accompagnées de descriptions en braille. Puis on s’assoit pour regarder une vidéo projetée sur un écran blanc en argile craquelée.
Dans ce court documentaire en audiodescription réalisé par Vincent Lorca, on observe l’artiste s’atteler au travail et discuter avec ses modèles. L’intimité entre les deux parties est émouvante. Lorsque la vidéo se termine, nous continuons notre parcours pour découvrir quatre œuvres supplémentaires, un peu plus confiantes cette fois-ci. On sort ensuite de la galerie, en plissant les yeux.
Publicité
Un projet engagé
À l’instar du célèbre restaurant parisien Dans le noir ?, le Projet Phenix met à l’honneur les personnes non-voyantes et malvoyantes en les faisant participer activement à la création : elles sont modèles et également chargées de nous guider au sein de la galerie, si besoin.
Loin de nous faire entièrement comprendre ce qu’est le fait d’être non ou malvoyant·e·s, le Projet Phenix brise nos idées reçues et nous sensibilise vis-à-vis de cette déficience visuelle. Enfin, comme l’indique l’un des modèles dans le documentaire, l’exposition a également pour vocation de briser le tabou du toucher et d’éveiller nos sens.
Le Projet Phenix de Prune Nourry est à voir à la Galerie Templon (30 rue Beaubourg, à Paris) jusqu’au 23 octobre 2021.