Avant le confinement, Rihanna a fait grâce de sa présence à l’équipe de l’édition britannique de Vogue. Edward Enninful, le rédacteur en chef de la célèbre publication, a annoncé sur son compte Instagram sa joie de voir la chanteuse et femme d’affaires faire la double une de son magazine, pour le numéro du mois de mai.
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C’est le rédacteur en chef lui-même qui s’est occupé du stylisme de la séance photo. Depuis son arrivée à la tête du magazine en 2017, Enninful, particulièrement engagé, souhaite donner un nouveau visage à la publication, à ce qu’elle représente et aux valeurs qu’elle transmet. L’éditorialiste mode s’est réjoui de compter Rihanna comme “l’une de ses collaboratrices créatives les plus proches”, avant de s’appesantir sur l’élément le plus important de la série d’images, shootée par le photographe américain Steven Klein : le durag (ce tissu noir qui entoure son crâne) porté par la jeune femme.
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“Pensais-je un jour voir un durag en couverture de ‘Vogue’ ? Non, chers lecteurs, pas le moins du monde. Bien que ce puissant symbole de la vie noire – de l’auto-préservation, de la résistance, de l’authenticité – ait une place importante dans la culture populaire, il n’est que très rarement vu à travers le prisme de la haute couture. Pourtant, nous avons ici le plus fabuleux, inspirant et beau des durags, porté par une femme qui affronte tous les obstacles qui se dressent devant elle. Comme c’est excitant”, a écrit Edward Enninful sur son compte Instagram.
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Une pièce symbolique et culturelle
Si Edward Enninful est si heureux de faire figurer un durag sur la couverture d’un des magazines de mode les plus prestigieux du monde, c’est parce que l’accessoire, utilisé par les personnes noires pour plaquer leurs cheveux contre leur crâne – initialement pour les dégager du visage, puis pour créer, entre autres, des waves – est encore souvent rejeté en société.
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En 2001, la National Football League américaine interdisait à ses joueurs de porter des durags ou des bandanas sous leurs casques. Autour du monde, aux États-Unis ou en Guadeloupe, des lycées continuent de prohiber le port du durag sans raison (autre qu’un racisme systémique, bien sûr).
Si “se demander qui a inventé le durag”, comme l’écrivait Sandra E. Garcia pour le New York Times en 2018, “revient à poser la question de qui a inventé le peigne”, on fait tout de même remonter son apparition au XIXe siècle, lorsque les esclaves noir·e·s travaillaient dans les champs de coton aux États-Unis. Largement popularisés dans les années 1990 et 2000, les durags sont devenus, plus que des accessoires de mode, des symboles culturels et revendicateurs de la communauté afro-américaine.
Ces dernières années, le durag a commencé à faire son apparition dans les hautes sphères de la mode – plus ou moins en même temps que le refus de toujours devoir cacher ou lisser les cheveux crépus. Aux CFDA Awards, en 2014, Rihanna portait un durag fait de strass Swarovski. Quatre ans plus tard, au Met Gala, Solange Knowles s’attirait les louanges des critiques en exhibant également, sous son halo doré, un durag. Cette fois-ci, ce dernier était bien en tissu, comme il est d’usage, et comportait l’inscription : “Mon Dieu porte un durag.”
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Que Rihanna porte un durag en tissu noir, du même type que ceux qui sont encore parfois interdits, en couverture de l’une des publications les plus vendues dans le monde aidera, on l’espère, à son acceptation. Ces portraits de la chanteuse semblent aussi être un clin d’œil à l’appropriation culturelle dans la mode. De plus en plus de marques s’emparent de symboles afro-américains, parce qu’ils sont “tendances”, sans nullement se soucier de l’engagement social et historique de ces pièces.
Voir une femme noire (dont l’engagement est connu de tou·te·s, comme le rappelle le mot “Truth”, “Vérité”, qui barre son visage) portant un symbole aussi important et diabolisé que le durag, en couverture d’un magazine dirigé par un homme noir représente une évolution importante et nécessaire.
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L’entretien de la chanteuse, réalisé par l’autrice Afua Hirsch, sera disponible gratuitement en ligne ce vendredi 3 avril.
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