À Memphis, pendant plus de soixante ans, le numéro 333 de Beale Street a vu s’affairer le photojournaliste Ernest C. Withers. C’est dans son studio, en plein cœur du quartier afro-américain de la ville, que le photographe développait et travaillait ses images illustrant avec force les remous de son époque.
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Après une courte carrière dans la police, avortée lorsqu’il s’est rendu compte qu’il ne pourrait jamais vraiment changer les injustices de la société américaine avec son uniforme d’officier, Ernest C. Withers a revêtu son costume de photographe – qu’il n’a pas quitté de la fin de la Seconde Guerre mondiale à sa mort, en 2007.
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Armé de son appareil photo, il a passé la majorité de sa vie à témoigner des inégalités et des bouleversements vécus par les Afro-Américain·e·s. On raconte que le photographe serait à l’origine de plus de 5 millions d’images. Une partie d’entre elles sont présentées à Londres, dans la galerie Michael Hoppen jusqu’au 30 août, à l’occasion de l’exposition “Ernest C. Withers : Civil Rights & the Memphis Blues”.
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Un témoin clef de la déségrégation aux États-Unis
Particulièrement prolifique pendant le mouvement des droits civiques, le photographe a traversé le Sud des États-Unis aux côtés de nombreux militant·e·s. Bien que le mouvement fût crucial pour le pays et les droits de l’homme en général, peu nombreux·ses étaient les photographes et journalistes qui venaient directement pour couvrir les manifestations ou témoigner des atrocités causées par le racisme et la ségrégation.
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Entre les années 1950 et 1960, Ernest C. Withers est partout. Il immortalise les actions menées par Martin Luther King Jr., participe au boycott des bus de Montgomery (entamé après l’arrestation de Rosa Parks, la militante noire qui avait refusé de céder sa place à un passager blanc), rend compte de la grève des éboueurs de Memphis et témoigne de l’atrocité de l’assassinat d’Emmett Till (un adolescent noir de 14 ans) et du non-jugement de ses meurtriers.
Utilisant son appareil photo comme une extension de son être, il prend ses images depuis des coins de pièces, en contre-plongée ou derrière une foule, invitant son public à vivre de l’intérieur les scènes qu’il immortalise.
De Martin Luther King Jr. à Tina Turner
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Bien conscient que la politique ne se joue pas uniquement dans les rassemblements ou pendant les grèves, Ernest C. Withers s’intéresse aussi aux mouvements artistiques, principaux vecteurs populaires d’émancipation raciale. Particulièrement actif pendant l’apogée du blues et de la soul, il immortalise les carrières d’artistes incontournables tels qu’Otis Redding, Ike et Tina Turner ou encore B.B. King. Pendant plus de vingt ans, il travaille même pour le mythique label Stax – une véritable institution de la musique noire américaine, qui rivalise avec Motown.
La réputation d’Ernest Withers de témoin exceptionnel de son époque n’est plus à faire : son travail fait régulièrement l’objet d’expositions à travers le monde (comme c’est le cas à Londres), un musée à son nom a été ouvert dans son ancien studio, et la prestigieuse bibliothèque du Congrès américain et le Musée national de l’histoire et de la culture afro-américaines se targuent de posséder certaines de ses œuvres.
Plus d’un demi-siècle plus tard, les images du mouvement pour les droits civiques ne doivent cesser d’être étudiées, pour le présent et pour l’avenir.
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L’exposition “Ernest C. Withers : Civil Rights & the Memphis Blues” est visible à la galerie Michael Hoppen jusqu’au 30 août 2019.