Entre photographie aérienne et peinture abstraite, le photographe explore les rives du Grand Lac Salé de l’Utah, dans son livre Dust.
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À première vue, difficile d’imaginer que sous les motifs abstraits des photos de Jérémie Lenoir se cachent des paysages. Tout aussi difficile ensuite, une fois l’information assimilée, de les localiser, leur donner une provenance, un pays. On pense d’abord regarder un dessin, une peinture aux couleurs neutres, minérales. Pourtant, c’est bien le réel qui nous fait face.
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Depuis près de dix ans, les paysages contemporains, leurs problématiques, leurs composantes mais aussi leurs représentations sont au cœur du travail du photographe. Ce qui l’intéresse, ce n’est pas tant ce que ces territoires disent d’eux sous son objectif, mais ce qu’ils révèlent de nous, qui les construisons, les façonnons. Nous qui vivons dedans.
Le déclic se fait pour lui en 2009, après son arrivée aux Beaux-Arts d’Orléans, alors qu’il réalise le projet photographique Territoires occupés sur les terres agricoles de la région. Il est frappé par la précision chirurgicale du travail de la terre, par ses motifs, ses répétitions, par l’empreinte de la technologie sur ces sols.
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Après ce premier projet, Jérémie Lenoir décide d’adopter une démarche plus personnelle dans son travail, d’effacer un peu plus le caractère documentaire de ses images pour se démarquer de ce qui se fait dans la photographie aérienne et laisser s’exprimer ses influences picturales.
En 2010, il explore le déplacement des espaces économiques dans la vallée de la Loire, avant de se concentrer, en 2012, sur la notion de frontière ville-campagne autour de Paris et d’aborder, en 2014, la reconversion du patrimoine industriel le long de l’axe Arras-Anvers.
Pour Dust, son dernier projet en date qui fait l’objet d’un livre publié ce mois-ci, le photographe traverse l’Atlantique en 2015 pour étudier pendant deux ans les mutations des paysages autour du Grand Lac Salé de l’Utah, aux États-Unis. Si le sol change cette fois de nationalité, le protocole photographique reste le même que pour ses précédentes séries. Une méthode rigoureuse, en trois étapes, qui vise la plus grande neutralité possible.
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Il y a d’abord la recherche documentaire, pendant trois à six mois, pour identifier les projets d’aménagement et choisir le territoire qui sera étudié. Le photographe sélectionne sur ce territoire une quarantaine de lieux qu’il survole ensuite jusqu’à douze fois pour suivre leur évolution, toujours à la même altitude, 450 mètres, avec une même optique, et une même lumière, lorsque le soleil est au zénith, qu’il estompe les couleurs et efface les reliefs.
C’est ce protocole qui lui permet de représenter le paysage à sa façon, cette “platitude” qui lui permet d’offrir une vision objective, sans but esthétique. Jérémie Lenoir ne retouche d’ailleurs pas ses photos, n’ajoute ou ne supprime quoi que ce soit.
Aussi objectif que soit son processus, il résulte pourtant de ces images une grande et belle abstraction, où l’attrait du photographe pour la peinture expressionniste abstraite et ses maîtres se ressent : Pierre Soulages, Kenneth Noland, Barnett Newman, Nicolas de Staël, Antoni Tàpies ou encore Mark Rothko. C’est par ce biais que s’introduit pour lui la question du regard et du jeu qui font de ces paysages un véritable terrain d’expérimentation.
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Les photographies de Jérémie Lenoir sont à retrouver dans son livre Dust, qui paraîtra le 26 octobre prochain.