Dans l’Amérique de Donald Trump, les concepts de couleur de peau, d’identité et de classe sociale suscitent toujours plus de débats. L’artiste métisse Genevieve Gaignard a décidé d’explorer les thèmes se rattachant à l’éthnicité, à travers des autoportraits tous différents les uns les autres.
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La dernière élection présidentielle américaine a révélé une profonde division nationale au sujet des problématiques identitaires et sociales – qui ont toujours fait partie de l’histoire des États-Unis et dont il est désormais urgent de parler. Ces thèmes sont au cœur du travail de l’artiste métisse Genevieve Gaignard, qui s’en est emparée (par le biais d’autoportraits) bien avant que Donald Trump ne soit élu.
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Originaire du fin fond du Massachusetts, Genevieve Gaignard est née d’un père noir et d’une mère blanche. Cette artiste, qui se considère comme une femme de couleur issue de la mixité, s’attaque avec ses photos au sujet de l’identité ethnique et culturelle – en abordant notamment ce que vivent les Afro-Américains.
Elle nous explique qu’en grandissant elle s’est battue pour trouver sa place, se sentant souvent invisible. Sa peau blanche et son corps plantureux questionnaient une certaine idée de la féminité et de l’identité ethnique. Introspectifs, ses autoportraits plein d’humour et inspirés de la pop culture représentent une myriade de personnages féminins fictifs hauts en couleur. Affublés de costumes kitsch et d’accessoires mis en scène de manière caricaturale, ces personnages incarnent les stéréotypes véhiculés par les médias. L’artiste explore ainsi les différents aspects de la notion d’identité.
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Geneviève Gaignard se souvient de son enfance, quand elle dessinait constamment des visages et faisait des collages avec des photos de magazines :
“Organiser et mélanger des images était inné pour moi, c’était ma façon de retranscrire tout ce que je voyais avec mes yeux d’enfant. Mes personnages présentent des aspects de moi-même à travers le regard des autres, leur lecture, leurs idées préconçues
J’admets qu’il y a une vulnérabilité dans mon travail, dans le sens où cela me donne l’air de me préoccuper des projections des autres, mais j’espère aussi que cela permet à ceux qui le regardent de réfléchir sur eux-mêmes.”
Avant de passer devant l’appareil pour raconter son histoire, elle a largement été influencée par l’artiste Diane Arbus, dont le travail se concentre sur les laissés-pour-compte et les excentriques :
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“Dans un premier temps, j’allais chez des gens que je rencontrais pour les prendre en photo. J’ai toujours été intéressée par la manière qu’ont les gens de s’entourer d’objets dans leur environnement domestique.”
Mille identités
Dans sa dernière exposition, “The Powder Room”, Geneviève Gaignard nous présentait une nouvelle palette de personnages féminins et d’installations qui défient les représentations figées de la beauté blanche ou noire, du corps idéal et de la féminité, en jouant en outre avec les codes de la culture drag.
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Geneviève Gaignard explique que même si tous ses projets ont leur propre narration, ils se répondent aussi les uns aux autres. Elle décrit ainsi son exposition :
“Mon installation baptisée Altar (‘L’autel’) donne le ton en invitant le spectateur dans l’espace où j’incarne un personnage… ou pas du tout. Il reçoit des indices avec les accessoires : des perruques, des robes, des chaussures, etc. Cette installation inclut également quelques sculptures en porcelaine que j’ai fabriquées pour plusieurs de mes travaux multisupports.”
Dans sa série baptisée “I Am Not Your Mammy” (‘Je ne suis pas ta Mammy’, en référence à un personnage féminin noir caricatural créé pendant l’ère esclavagiste américaine), Geneviève Gaignard explique qu’elle a essayé de donner un nouveau sens aux représentations racistes des femmes noires, en les faisant évoluer à travers un contexte différent. Pour ce faire, elle s’est approprié des figurines de femmes noires représentées comme “exotiques” ou comme des servantes, pour mettre leurs têtes sur les corps de figurines de femmes blanches élégantes :
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“J’ai pris ces figurines de Mammy Salt Shakers et de danseuses tribales africaines et j’ai mis leur tête sur des figurines de femmes qui ont le luxe de pouvoir s’offrir de belles robes de bal.”
Les bras et les jambes des figurines ont été repeints pour correspondre aux visages, et les traits exagérés ont été adoucis pour sortir de la caricature. En mêlant ces stéréotypes sur les Noires et les Blanches, Genevieve Gaignard a créé un nouveau langage qui les transcende afin d’exprimer son expérience personnelle en tant que femme issue d’un couple mixte aux États-Unis :
“Une bonne partie de mon travail joue sur la notion du corps idéal, et essaye de défaire cette logique en utilisant le même langage de la beauté et du glamour. Les représentations figées des ethnies, du genre et de la beauté sont toutes dangereuses, et j’espère que mon travail parvient à pointer ces absurdités.”
Traduit de l’anglais par Sophie Janinet