C’est l’un des artistes iconiques de notre époque. Entre humour et critique de la société, on a parlé Polaroid, hot-dogs et obésité avec Erwin Wurm.
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Caché derrière son appareil photo gigantesque, Erwin Wurm n’a pas choisi la facilité. Aidé de son équipe, l’artiste autrichien de 64 ans réalise des portraits dans la Villa “Le Lac” Le Corbusier, près de Vevey. Une série de photos inspirée de ses One Minute Sculptures, prises avec un appareil Polaroid des années 1970, à l’occasion du Festival Images de Vevey.
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Le principe ? Un objet, une série d’instructions données au public, invité à les suivre pour devenir une œuvre d’art éphémère, le temps de la pose :
“L’artiste autrichien dépeint depuis plusieurs décennies nos modes de vie avec humour et casse les codes. Expositions participatives comme pour ses One Minute Sculptures, exposées à Vevey, où le public reçoit des instructions et devient lui-même la sculpture. Ou fascinantes, comme avec sa Narrow House, une version compressée de sa maison d’enfance, dans laquelle le public peut se faufiler, comme pour montrer l’étroitesse de nos modes de vie”, explique le directeur du festival, Stefano Stoll.
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La performance qui a rendu Wurm célèbre dans les années 1990 prend aujourd’hui une autre signification avec l’explosion de la photo, des smartphones et d’Instagram :
“J’ai arrêté la photo il y a une quinzaine d’années. À l’époque, je prenais en photo les One Minute Sculptures, interprétées par le public, avec un petit appareil. Je n’étais pas intéressé par la photo en soi, mais par l’idée de capturer cet instant éphémère, durant lequel un visiteur suit mes instructions pour réaliser l’œuvre, un moment qui peut ne durer que 10 secondes. Puis j’ai arrêté les photos. Mon travail, c’est la sculpture.”
Dix ans plus tard, on lui parle d’un immense appareil photo Polaroid, un Wisner 20×24. L’un des deux derniers existants dans le monde. Contrairement à la “simple” photo prise par un petit appareil ou un smartphone, ce modèle crée des clichés qu’on ne peut pas copier massivement :
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“Elles sont immenses et uniques. L’appareil donne sa touche, avec ses imperfections et sa complexité. Pour moi, ce choix est celui du pas en arrière. Cela crée un aspect unique, original et rare, ce que la photographie a perdu autrement.”
Hot-dogs gratuits
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“Pendant longtemps, j’ai essayé de faire descendre les œuvres dans la rue, pour casser la frontière entre public et art. C’était l’idée avec les One Minute Sculptures. Mais plus j’avance dans la vie et plus je me dis que je dois chercher de nouveaux moyens de relier le public à l’art. Par exemple, j’ai créé le “Curry-Bus”, sorte de VW Combi obèse, qui distribue gratuitement des hot-dogs.”
Le véhicule a notamment été présenté à New York, où le Public Art Fund a organisé la distribution de 50 000 hot-dogs gratuits aux passants. Pour que tout le monde puisse expérimenter cette prise de poids collective, de notre ventre, du véhicule obèse et de notre société. “Et le tout crée une sculpture. J’adore y mettre cette touche absurde”, ajoute-il.
Mentalités étroites
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Cette année, Erwin Wurm présente, à la biennale Images de Vevey, une autre de ses œuvres iconiques, la gigantesque Narrow House. Les visiteurs peuvent se faufilent entre ses murs étroits, où tout, du lit à la cuisinière, a été compressé. Après l’obésité des corps, la finesse des espaces :
“C’était la maison de mes parents. Je l’ai recréée en version étroite, écrasée. Pour refléter la société étroite, la claustrophobie de nos banlieues et de nos esprits. À nouveau, j’utilise l’humour et l’absurde pour faire réfléchir au monde dans lequel on vit. Je suis concerné par notre futur. Politiquement, je trouve que l’air est irrespirable. Écologiquement, c’est effrayant. Par contre, je ne veux pas aller frontalement sur le terrain politique. Mon rôle, c’est de créer des images, des réflexions.”
Le travail d’Erwin Wurm est à découvrir du 8 au 30 septembre 2018 au Festival Images de Vevey, en Suisse.