Aujourd’hui âgé de 93 ans, le portraitiste ghanéen James Barnor a traversé les époques, les régimes politiques, les pays et l’histoire de la photo. Autant intéressé par la documentation des luttes indépendantistes que par la mode et les diasporas africaines et caribéennes en Grande-Bretagne, le photographe a raconté avec passion, en noir et blanc et en couleur, une grosse partie du XXe siècle.
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Honoré par une bourse de la Royal Photographic Society of Great Britain, James Barnor est inscrit au rang de célébrité dans ses deux pays, le Ghana et la Grande-Bretagne. Depuis les années 2010, son travail fait l’objet d’expositions récurrentes à l’échelle internationale. Cette année, les Rencontres d’Arles et la fondation Luma consacrent à son travail et ses archives une belle rétrospective. En l’honneur de cet artiste à la carrière dense, voici cinq choses à savoir sur le grand James Barnor.
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La photographie est inscrite dans ses gènes
Aux Rencontres d’Arles, où est exposé le travail du photographe, il est rappelé que l’image a toujours fait partie de la vie de James Barnor. Quatre de ses oncles et cousins étaient photographes et, à 17 ans, il suit leur trajectoire et devient stagiaire au sein du studio photo de l’un d’eux, l’artiste J.P. Dodoo.
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Alors qu’il pensait devenir policier, James Barnor poursuit cette voie artistique et finit par ouvrir son propre studio, nommé “Ever Young”, en 1953 à Jamestown, un quartier situé au bord de la côte Atlantique à Accra. Il y photographie des personnes de tous âges, y développe ses images et celles de sa grande clientèle. Qu’importe le nombre de ses allées et venues entre le Royaume-Uni et le Ghana, James Barnor ne lâche jamais la photographie. Sa carrière longue de plus de soixante ans en est la preuve.
Il a changé la vie d’une inconnue
Alors qu’il attendait de monter dans un bus à la station Victoria, à Londres, James Barnor tombe sur un visage qui l’hypnotise. Il est convaincu du potentiel de la jeune femme et la convainc de tenter sa chance dans le mannequinat. Le photographe aura eu le nez creux : l’inconnue de l’arrêt de bus finira par lâcher son travail de secrétaire et deviendra mannequin, rappelait-il à Nowness en 2010.
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Si James Barnor a eu l’œil pour déceler le potentiel photogénique de la jeune Erlin Ibreck, c’est parce qu’en plus de son travail studio et de photojournaliste, il a également travaillé dans la photographie de mode. L’artiste a notamment tenu à immortaliser le style des Ghanéennes et des femmes noires installées à Londres, sans jamais les sexualiser ou les diminuer.
Il a mis en lumière la diaspora ghanéenne au Royaume-Uni
James Barnor ne se donne pas tout le crédit qu’il mérite en se surnommant “Lucky Jim” (“Jim le chanceux”), parce qu’il estime devoir beaucoup à la chance qui l’aurait suivi tout le long de sa carrière. La chance d’être présent au Ghana pendant le mouvement indépendantiste puis d’être présent à Londres pendant l’effervescence des années 1960. C’est pourtant l’œil et l’esprit vifs du photographe qui le font se démarquer. Il met en lumière les diasporas africaines et caribéennes en Grande-Bretagne ainsi que le multiculturalisme de la capitale.
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Au lieu de mettre en lumière les injustices subies par les personnes noires comme il était courant de voir dans les années 1960 à travers l’objectif de nombreux photographes blancs, il a aidé à des représentations plus justes de sa communauté. Dans la lignée de Malick Sidibé et de Seydou Keïta, ses sujets et leur élégance étaient ce qui motivait profondément ses intentions artistiques, loin de toute white guilt.
Il a été l’un des premiers photojournalistes du Ghana
Outre son travail studio en indépendant, James Barnor s’épanouit également hors les murs, sur des terrains plus politiques. Dans les années 1950, il devient le premier photographe employé par la rédaction ghanéenne du quotidien Daily Graphic. En parallèle, il vend des images à d’autres publications ghanéennes – comme le célèbre Drum, un magazine sud-africain luttant contre l’apartheid – et devient l’un des principaux photographes de l’indépendance de son pays.
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“J’ai été impliqué dans la lutte pour l’indépendance, dans l’indépendance et dans la célébration de l’indépendance”, rappelle fièrement James Barnor face aux caméras de la fondation Luma. Le photographe suit notamment “la lutte de Kwame Nkrumah, le leader indépendantiste ghanéen, père du panafricanisme, après sa libération de prison”, souligne Le Monde.
Il a participé à introduire la photo couleur au Ghana
En plus d’être tombé amoureux de la photo pour sa dimension artistique et sociale, James Barnor s’est vite fasciné pour les aspects techniques de la photographie. Dans les années 1960, James Barnor déménage à Londres. Il s’inscrit au Medway College of Art et il se prend de passion pour la couleur, note la galerie Clémentine de la Feronnière qui le représente en France.
Après une dizaine d’années passées dans la capitale anglaise, il retourne au Ghana jusqu’au milieu des années 1990 et participe à la démocratisation de la photo couleur dans son pays natal. Il installe des laboratoires de photo couleur à Accra et devient même une des figures d’Agfa-Gevaert, l’entreprise belge qui fabrique à l’époque entre autres des pellicules couleur et cherche à se développer en Afrique de l’Ouest.
L’exposition de James Barnor “Stories. Le Portfolio 1947-1987” est visible à la fondation Luma, dans le cadre des Rencontres photographiques d’Arles jusqu’au 25 septembre 2022. James Barnor est représenté par la galerie Clémentine de la Feronnière.