3 choses à savoir sur Sally Gabori, grande peintre moderne

Publié le par Pauline Allione,

© Mornington Island Art, Queensland/The Estate of Sally Gabori

Lumière sur l’œuvre de l’artiste Sally Gabori, de son exil forcé à sa carrière tardive.

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De son attachement à sa terre natale à sa découverte tardive de la peinture, Sally Gabori, disparue en 2015, peut se targuer d’une œuvre aussi riche que son histoire. Sous son pinceau, la peintre raconte son amour pour son île, la lutte pour les droits de son peuple déraciné et les paysages qui lui sont chers.

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Alors qu’une trentaine de toiles de la coloriste sont exposées à la Fondation Cartier, qui lui consacre sa première exposition solo hors d’Australie, retour sur trois choses à savoir pour mieux comprendre l’œuvre de Sally Gabori.

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Sally Gabori, centre d’art et d’artisanat de l’île Mornington, 2008-2012. (© Inge Cooper/The Estate of Sally Gabori)

Elle a été contrainte de quitter son île natale

Mirdidingkingathi Juwarnda Sally Gabori, de son nom complet, appartenait au peuple kaiadilt. Selon la tradition, son nom indique ainsi son lieu de naissance, Mirdidingkingathi, une crique à proximité de l’île australienne Bentinck, dans le golfe de Carpentarie du Queensland, tandis que “Juwarnda” désigne son totem de conception, le dauphin.

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En 1944, les Kaiadilts, qui comptent parmi les derniers peuples premiers côtiers de l’Australie à avoir côtoyé les colons, sont particulièrement isolés. Jusqu’à ses 20 ans, Sally Gabori pêche, tresse des paniers en fibres naturelles et entretient des pièges à poissons.

Sally Gabori, Dibirdibi Country, 2008, National Gallery of Victoria, Melbourne, Australie, acquisition, NGV Supporters of Indigenous Art, 2010. (© The Estate of Sally Gabori/National Gallery of Victoria)

Mais en 1948, un cyclone et un raz-de-marée succèdent à un épisode de sécheresse, faisant de Bentinck un lieu hostile pour la population locale. Sally Gabori et les 63 dernier·ère·s résident·e·s sont alors contraint·e·s de quitter leur île et leur vie traditionnelle pour être évacué·e·s sur l’île Mornington où se situent des missionnaires presbytériens qui tentaient de rallier le peuple depuis plusieurs années déjà.

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À Mornington, les enfants sont séparé·e·s des parents et ont l’interdiction de parler le kayardild, leur langue maternelle. Cet exil, que le peuple pensait éphémère, durera des décennies. Ce n’est que depuis les années 1990 que l’Australie reconnaît les droits du peuple kaiadilt sur l’île Bentinck, où un ensemble d’habitations a finalement été installé afin de permettre à celles et ceux qui le souhaitent d’y séjourner.

Sally Gabori, Dibirdibi Country, 2011, Alcaston Gallery, Melbourne, Australie. (© Simon Strong/The Estate of Sally Gabori)

Elle a commencé à peindre à plus de 80 ans

Autrice d’une œuvre impressionnante et riche en couleurs, Sally Gabori n’a pourtant réalisé l’ensemble de ses toiles qu’en une poignée d’années. Ce n’est qu’en 2005 que l’artiste, âgée de plus de 80 ans, découvre cette pratique artistique. Installée en maison de retraite, elle participe à un atelier de peinture du centre d’art de Gununa et réalise sa première toile.

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Happée par cet art, elle explore et apprend rapidement les techniques picturales et les moyens d’expressions visuels, et peint jusqu’à cinq jours par semaine, pendant les jours d’ouverture du centre d’art.

Sally Gabori, Dibirdibi Country, 2010, Estate Sally Gabori, Cairns, et Alcaston Gallery, Melbourne, Australie. (© Simon Strong/The Estate of Sally Gabori)

Ses œuvres sont pour la première fois exposées dans une galerie de Brisbane seulement six mois après son premier contact avec le médium. Sally Gabori produira finalement plus de 2 000 toiles, dont certaines en collaboration avec ses sœurs et nièces, et inspirera d’autres femmes kaiadiltes qui se mirent à leur tour à la peinture.

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Ses toiles racontent ses terres et son peuple

Quand Sally Gabori découvre la peinture, celle-ci doit composer sans culture picturale kaiadilte, inexistante. Sa terre natale, sa famille et son peuple deviennent alors sa première source d’inspiration et elle choisit de les représenter tout en couleurs et en abstraction.

Sally Gabori, centre d’art et d’artisanat de l’île Mornington, 2008-2012. (© Inge Cooper/The Estate of Sally Gabori)

Détachée des courants esthétiques liés à la peinture des peuples premiers, Sally Gabori représente des lieux de l’île Bentinck où elle n’a plus mis les pieds depuis des décennies, mais aussi des lieux représentatifs de la lutte pour les droits des Kaiadilts.

En 2007, portée par son premier retour à Bentinck, Sally Gabori troque les petits formats pour des toiles monumentales, faisant jusqu’à six mètres de long, sur lesquelles elle représente les plages, le ciel et des lieux de Bentinck qu’elle affectionne. La plupart de ses peintures, souvent qualifiées d’abstraites, représentent en réalité des paysages de sa terre natale et portent toutes une signification personnelle forte.

Sally Gabori, Nyinyilki, 2010, Collection privée, Melbourne, Australie. (© Simon Strong/The Estate of Sally Gabori)
Sally Gabori, Nyinyilki, 2010, Collection HOTA Gallery, Gold Coast, Australie, donation des citoyens de la Gold Coast aux générations futures, 2019. (© Peter Waddington/The Estate of Sally Gabori)
Sally Gabori, centre d’art et d’artisanat de l’île Mornington, 2008-2012. (© Inge Cooper/The Estate of Sally Gabori)

L’exposition sur Mirdidingkingathi Juwarnda Sally Gabori, qui contient 31 peintures monumentales de l’artiste, est visible à la Fondation Cartier jusqu’au 6 novembre 2022. Un site dédié à Sally Gabori a également été lancé par la Fondation Cartier.

Konbini Arts, partenaire de la Fondation Cartier.