Diplômé de physique et de mathématiques, Bruce Nauman touche à tout depuis plus de soixante ans à travers des œuvres filmées, jouées, photographiées ou sculptées. Artiste conceptuel à la renommée internationale, il interroge la condition humaine et tout ce qui le frustre à son propos dans un travail dense et pluriel.
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Son œuvre interroge le lien entre le corps et l’art
Bruce Nauman met souvent son corps au centre de ses œuvres et de ses nombreuses performances. À vrai dire, qu’il s’implique physiquement dans ses œuvres ou pas, l’artiste interroge le corps humain, ses limites, ses mouvements, en traitant de notions telles que la vie, la mort, la vieillesse, les émotions ou la douleur.
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Cette réflexion sur le corps se traduit, entre autres, par des divisions, des démembrements anatomiques, et cela à travers différents médias. En 1967, il réalise par exemple Thighing (Blue), une vidéo douloureuse dans laquelle il triture la chair de sa cuisse.
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La même année, il expose des moulages de différentes parties de son corps. Posées sur des socles, des sculptures de mains, de pieds ou de tibias semblent flotter dans l’air. Immobilisées en plein mouvement, ces parties du corps sont vidées de leur humanité, laissant une impression étrange au public, comme s’il était entouré de fantômes démembrés.
Cette année, il expose à Venise, entre nombreuses autres œuvres, l’évolution de ses études filmées sur son propre corps. Il s’y montre en train de mimer et répéter la position des statues antiques, le contrapposto.
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Ces réflexions plastique, numérique et théorique sur le corps ont débuté presque par hasard, alors que l’artiste avait peu d’argent et beaucoup de temps : “J’ai été obligé de m’examiner moi-même, d’examiner ce que je faisais.” À travers son introspection, il porte un regard sur le rôle de l’art, de l’artiste et les interactions humaines.
Sa colère l’inspire
Inspiré par le corps, Bruce Nauman est également inspiré par les émotions qui l’animent, notamment la colère. En 1986, il met pour la première fois en scène des comédien·ne·s dans une performance filmée intitulée Violent Incident. On y voit un couple se disputer, jusqu’à se faire du mal physiquement.
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Pour l’expliquer, l’artiste explique que son œuvre émane de sa “frustration face à la condition humaine, face au refus de compréhension dont font preuve certaines personnes, face à la cruauté de certaines personnes”. “Ce n’est pas que je pense pouvoir changer ça, mais c’est une partie tellement frustrante de l’histoire humaine”, confiait-il dans des paroles rapportées par le site du Tate.
Il aime mettre son public à l’épreuve
Cet intérêt pour “la condition humaine” pousse l’artiste à la mettre à l’épreuve, à travers différentes pratiques. En 1969, il place face à face deux hautes parois tapissées de vert transformées en un étroit couloir. Il invite son public à y pénétrer, parfois difficilement, et à supporter son exiguïté et sa lumière fluorescente qui modifie notre vision une fois qu’on en sort.
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Pour faire vivre pleinement ses créations à son public, il le confronte parfois à des comédien·ne·s. Au Punta della Dogana de Venise, deux personnes sont ainsi allongées, dans une position bien particulière définie par Bruce Nauman, dos au public, qui passe, interloqué.
En 1987, il mettait également en scène Clown Torture, une performance dans laquelle un clown jouait la terreur, coincé face à un public en partie coupable de son angoisse. Qu’importe l’époque ou le médium, Bruce Nauman interroge depuis soixante ans l’être humain, sa vanité et ses failles.
L’exposition “Bruce Nauman: Contrapposto Studies” est visible au Punta della Dogana de Venise jusqu’au 27 novembre 2022.