Cent portraits, cent histoires, cent personnes, âgées de 0 à 100 ans. L’idée est simple. Pourtant, Jenny Lewis est parvenue à réaliser un ouvrage touchant, aussi drôle que bouleversant, qui raconte les âges de la vie avec simplicité.
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Chaque modèle témoigne des hauts et des bas qui l’animent au moment de la séance photo : la peur de quitter le domicile familial pour une jeune femme de 20 ans ; le deuil de son père pour un homme de 31 ans, le soulagement d’une femme de 43 ans parvenue à quitter un mari qui la battait ; la libido d’une célibataire de 69 ans ; ou encore la doyenne du livre, qui se rappelle qu’elle glissait des billets de vingt livres à son premier mari emprisonné.
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Bien que parfois éloignées de nos quotidiens, les histoires de One Hundred Years font écho aux réflexions qui jalonnent notre existence, rappellent notre passé et éclairent notre chemin à venir. Avec bienveillance, la photographe a invité ses modèles, vivant dans l’Est londonien, à se confier et se laisser aller face à son objectif.
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“Ma nourriture préférée, c’est la nourriture des extraterrestres. J’aime faire du bruit tous les jours.”
“Les gens ont toujours plein de clichés me concernant. Juste parce que je suis un garçon, ils disent que je ne peux pas aimer le rose ; mais j’adore le rose. L’une des premières fois où j’ai porté une jupe, ma mère m’a acheté un tutu. Je me suis vu dans le miroir et j’ai adoré. Je me sens vraiment bien quand je suis glamour.”
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“Je vis à la maison avec ma mère et mon petit frère et j’adore ça. Vraiment, j’adore, même si je suis à cet âge où je devrais déménager. Maman pense à retourner au Brésil pour de bon. Ce serait pire que si, moi, je déménageais parce qu’elle serait tellement loin. Pour être honnête, j’aimerais être plus jeune, comme ça, je n’aurais pas à déménager et à faire certaines choses.”
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“J’ai été arrêté alors que je graffais un mur la veille de mon mariage. J’ai pu sortir quelques heures avant la cérémonie mais, quand mon premier enfant est né, j’ai cessé. J’ai promis à ma femme que c’était fini. J’ai quatre enfants qui me voient comme un modèle, désormais. C’est ce pour quoi j’ai signé. Ils ont besoin de moi et ça me fait vivre. Vous imaginez le nombre de fois où j’entends ‘Papa’ chaque jour ? C’est ma vie et je l’adore.”
“J’ai été anorexique, boulimique et tout ce qu’il y a entre les deux. Pour moi, c’était comme une addiction, comme de l’alcoolisme. Quelque chose qui permet de se détourner de la vie. Je ne vois pas mes traumatismes comme un désastre ou une catastrophe, je les vois comme des choses positives – ce sont des chapitres de mon histoire, vous voyez ce que je veux dire ? Ma famille, c’est mon groupe d’ami·e·s et ma partenaire. On est solides : très indépendantes, libres, mais ensemble. Je dis ‘seules ensemble’, et c’est comme ça que je suis le plus à l’aise.”
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“Tout le monde a le droit d’être sincère et heureux. M’assumer, en tant que musulmane, lesbienne et maman (être ouverte, sincère, ne pas se cacher) est le meilleur truc que j’ai fait de ma vie. J’adore être dans la cinquantaine. Je ne me rendais pas compte du renforcement, du courage, du bien-être et de l’enfant que cette décennie m’apporterait, mais je suis là, pleine de vie et de joie. Plus libre que jamais.”
“J’ai toujours porté des vêtements que je confectionnais moi-même. Quand je suis arrivé ici, vers 20 ans, j’avais une veste comme celle de Liberace, avec des fils noirs et argentés. Je portais une chemise à carreaux, un pantalon noir avec des coutures blanches sur les côtés, des mocassins blanc cassé et des chaussettes couleur citron vert. Ça disait rock et ça disait roll. Quand je vois mes garçons porter des maillots de foot et des pantalons de survêtement d’horrible facture, je me dis qu’ils devraient être arrêtés pour se balader fagotés de la sorte. Je suis mieux habillé quand je nettoie ma voiture. Enfin, quand j’avais une voiture.”
“J’adorais danser. Avant, j’allais à six soirées dansantes en une soirée et je ne me réveillais pas avant 15 heures le dimanche. Puis j’ai atteint un âge où je me dis que ce n’est plus pour moi. Tranquille.”
“Ma mère m’a eu à 15 ans. C’était une prostituée russe. Je ne suis pas contre parce que c’est ce qui l’a maintenue en vie. Mon père appartenait à la mafia chinoise, il lui a expliqué comment ouvrir une fumerie d’opium à Shacklewell Lane. Si un homme venait chez nous, c’était un ‘oncle’. J’avais beaucoup d’oncles différents. J’ai eu plein de gardiens. On m’a battu mais, à cette époque, on ne pouvait pas vraiment se plaindre. J’étais ce qu’on appelle un ourson. On m’a envoyé à l’école militaire mais j’ai été libéré quand la guerre a commencé, en 1939. J’avais 14 ans. Il y a beaucoup à dire quand on a mon âge : arrêtez-moi si je parle trop. J’ai été dans les mines, dans l’armée, j’ai harangué les foules pour un poissonnier, j’ai travaillé dans une fumerie de lard, j’ai vendu des T-shirts dans un marché, j’ai été artiste. Le meilleur truc me concernant ? J’ai été danseur professionnel de flamenco la plus grande partie de ma vie.”
One Hundred Years, de Jenny Lewis, est disponible aux éditions Hoxton Mini Press.