YL nous raconte la conception de sa mixtape Vaillants durant le confinement

Publié le par Guillaume Narduzzi,

©Marouane Bouhou

En seulement quelques semaines, l'artiste marseillais a concocté une mixtape en collaboration avec ses fans. Entretien.

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L’annonce du confinement a été un choc pour tout le monde, y compris les différents acteurs de la scène musicale française. Du côté des artistes, certains jouent la carte de la discrétion, d’autres celle de la productivité. C’est le cas notamment d’YL, qui s’est mis à concevoir une mixtape à peine l’annonce de la quarantaine tombée, avec tous les avantages et surtout les inconvénients que cela induit.

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Personnage de plus en plus présent sur la scène française, le rappeur marseillais a même poussé le concept un peu plus loin en confiant une partie de la direction artistique de son nouveau projet à ses fans sur les réseaux sociaux. Le meilleur moyen d’entretenir et de consolider les liens étroits qu’il tisse depuis le début de sa carrière avec son public. L’histoire de la mixtape Vaillants, parue ce vendredi 17 avril, est ô combien singulière. Et c’est encore YL qui la raconte le mieux.

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Konbini | Hello YL ! Comment se passe ton confinement ?

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YL | Salut Konbini ! J’ai monté un studio juste à côté de mon quartier, et j’ai mon appartement au dessus. En gros, je vis dans mon studio. J’étais déjà “confiné” au studio avant même le confinement.

Comment t’est venue l’idée d’une mixtape conçue pendant le confinement ?

Je devais sortir mon nouvel album, mais avec le coronavirus, il y a plein de titres que je n’aurais pas pu bien promouvoir. Je ne pouvais pas rester comme ça, j’avais commencé la promo, déjà envoyé des clips avec la série de freestyles “Larlar”. Ça se passait bien et tout l’engouement commençait à remonter : il était hors de question de laisser retomber la pression. J’ai décidé de décaler l’album, et d’envoyer une mixtape inédite faite avec mon public.

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L’idée m’est vraiment venue dès le début du confinement. On a choisi les titres ensemble lors des lives Instagram, j’enregistrais et je leur faisais écouter pour avoir leur retour directement. Je faisais des lives tous les jours, parfois pour valider des textes, parfois pour choisir les noms, etc. Pour le titre de la mixtape par exemple, j’avais proposé plusieurs titres et on m’en a proposé plein. Il y avait beaucoup “les vaillants sont avec YL”, comme c’est un peu le slogan. Mais dans un souci de consommabilité, j’ai réduit ça à Vaillants [rires].

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Comment s’est passée cette collaboration avec tes fans ?

C’est clairement une part de la direction artistique que je leur ai laissée. Mais avant tout ça, je n’en discutais pas avec mes fans, juste avec mon directeur artistique du label et mon manager. Là, je l’ai fait directement avec mon public, c’est kiffant comme expérience. Fondamentalement, ça a du sens, c’est nous les plus concernés. On a fait sauter tous les intermédiaires [rires].

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Combien de temps au total tu as mis pour créer Vaillants ?

Deux semaines. Après, je ne vais pas te mentir, j’avais déjà trois ou quatre titres de côté que j’ai fait écouter et on m’a dit de les mettre dans la mixtape. En gros, il y a les trois freestyles “Larlar” et quatre titres déjà écrits avant le confinement. Mais les titres en question, je les avais écrits ou alors ils étaient posés vite fait ou juste toplinés. Le but, c’était de terminer ces morceaux. Donc ça fait trois titres inédits.

Mais il y a quand même eu une sélection parce que j’ai tout fait écouter aux fans. Du coup, maintenant, quand tu vas sur YouTube, que tu tapes “YL” et que tu regardes les “ajouts récents” tu vas voir toutes les vidéos, les fans récupèrent tout maintenant [rires]. C’est bon signe, ça montre qu’il y a de l’engouement, je suis prêt à défendre ce projet comme jamais.

Le fait de gérer ton label t’a aidé dans cette démarche ?

C’est moi qui décide. Avant, j’étais un artiste signé, mais maintenant, je suis producteur indépendant, avec tous les risques et les avantages que ça comporte. Je prends la décision finale. C’est moi qui budgétise tout, c’est moi qui fais le café aussi [rires]. C’est une bonne expérience pour un gars comme moi d’être en indé, parce que quand j’étais signé, je m’impliquais vraiment dans le processus de création et pas trop dans le reste.

Mais, de mon point de vue, ça me concerne vu que c’est moi qui suis exposé. De plus, c’est ma conception du travail. Je me suis toujours intéressé à l’ensemble du métier. Je suis quelqu’un d’assez capable, pas toujours carré, hein, je viens de fêter mes 24 ans donc il me reste encore beaucoup de choses à apprendre, mais je suis assez polyvalent. Et aujourd’hui, j’arrive à assumer les deux rôles : producteur et artiste. Mais tant que je suis aidé par mes gars, ça va.

© Marouane Bouhou

D’un point de vue technique, comment tu as procédé ?

J’ai mon propre ingénieur son. On bosse ensemble depuis plus d’un an maintenant, depuis que j’ai monté mon label. Mais j’ai aussi des collaborateurs sur Paris qui sont très chauds, donc là j’ai eu mon ingénieur son habituel et un ingénieur de Paname qu’on m’a conseillé. Je les ai connectés tous les deux, ils ont mixé et mastérisé le projet à deux. Le résultat est pas mal du tout. Comme c’était la première fois qu’ils bossaient ensemble, ils ont dû apprendre à se connaître et finalement ils ont réussi à donner cette couleur commune au projet. Je vais continuer comme ça, je kiffe.

Après, pour tout ce qui est mix aussi, j’ai l’avantage de pouvoir faire la plus grande partie du processus ici. J’ai assez de matériel pour faire du très bon son définitif et ensuite je peux envoyer la mise à plat que je décide, la renvoyer, etc. Pas besoin de faire d’aller-retour, je vis au studio. Je peux bosser tout le temps.

Je n’irai pas jusqu’à te dire que je suis acharné, parce qu’il y a des mecs comme Jul ou PNL, je me suis renseigné sur leur processus de fabrication et c’est vraiment des malades, tu vois. Je m’identifie davantage à un mec comme Niro, qui est beaucoup plus polyvalent que ce que l’on pourrait croire. Mais je trouve que je suis dans la bonne voie, je suis en train de trouver ma propre manière de travailler.

Par quoi ça se concrétise ?

Artistiquement, je progresse. J’apprends des trucs que je ne connaissais pas. Parce qu’au début, si tu ne connais pas, tu ne demandes rien à l’ingénieur son. Maintenant, je découvre encore des logiciels en même temps que l’ingénieur son, on essaie, on fait des réglages pour voir comment on dose, etc. C’est des trucs dont tu peux te resservir ensuite en studio. Ça, c’est un progrès en tant qu’artiste. Ensuite, je me jette à mes heures perdues dans la prod’ et dans la composition

Et à côté de ça, tu as ta propre structure désormais.

J’apprends plein de trucs en même temps, j’apprends à gérer une société, chose que je n’ai jamais faite de ma vie, j’apprends à être à l’heure aussi [rires]. Les trucs administratifs, je les fais la journée, et la nuit, je me mets en mode artiste.

Comment tu as fait pour la cover à distance ?

De base, je voulais la shooter en studio avec des mesures de distanciation sociale. On pouvait facilement faire une très belle photo et l’envoyer à quelqu’un qui aurait fait la cover. Mais comme je voulais de l’authenticité, je me suis dit que le mieux était de prendre une photo de moi enfant. La photo est assez symbolique, je suis avec mon père, ma mère et mon frère, le jour de notre baptême. Je trouve que ça va bien avec le titre Vaillants, je porte ces idées et ces valeurs-là depuis gamin. Je reste dans cette optique un peu biographique du projet.

Après, c’est un peu mon ADN musical. Je me livre sur ma vie. Mes meilleurs morceaux sont ceux où je me livre sur mes relations amoureuses, familiales. C’est les titres qui ont le plus marché, en dehors du YL hardcore qu’on connaît. L’authenticité, la rue… Je n’ai pas envie de faire le mec, mais je maîtrise, c’est mon élément. Quand j’arrive à dépasser ça, sans forcément pousser la chansonnette ou quoi, juste me livrer un peu plus, on voit directement la différence et le morceau se démarque.

Tu accordes beaucoup d’importance à l’écriture…

C’est ma lignée, artistiquement parlant. Je me mets du côté de ceux qui écrivent, comme des SCH, Alonzo… Même si je peux en faire, je suis moins dans le courant de Jul ou de Naps, qui ont des styles plus ensoleillés et plus légers dans l’écriture, mais c’est tout à leur honneur. Je me vois plus comme un rappeur qui parle de sujets de société sérieux, et qui parfois peut aussi enjailler. Sur Vaillants, je vois deux titres un peu légers en écriture sur douze. Ce qui veut dire qu’il y a dix titres avec une histoire, où il faut vraiment écouter.

Pourquoi ce choix de ne faire aucun featuring ?

C’est un projet 100 % solo, ça faisait longtemps que je voulais le faire donc j’en profite, c’était l’occasion rêvée. Ma première mixtape, Confidences, je voulais que ce soit un projet solo. Bon, après, c’est vrai que j’ai ramené tout le rap français dessus par la grâce du Seigneur [rires]. Mon double album, pareil, il y avait des collaborations. Là, je voulais vraiment faire un projet pour la fan base.

J’ai deux ou trois clips coffrés, j’aurais pu exister médiatiquement, attendre que ça passe et annoncer l’album. Mais j’avais envie de faire un projet solo et je me suis lancé un véritable challenge. On parlait avec mon équipe de Niro avec Or Game, dans le sens où il l’a fait en six jours. Je ne sais pas si c’est de la promo ou si c’est réel, mais je sais que c’était très lourd, donc j’aime bien cette idée de défi.

Qu’est-ce que tu attends de cette sortie maintenant ?

Ce serait mentir de dire que je ne serais pas content d’avoir des bons chiffres, mais le but c’est vraiment de satisfaire la fan base. Je ne cherche pas à l’agrandir avec ce projet-là. Une fois le confinement fini, je vais continuer de beaucoup promouvoir la mixtape.

C’est un autre aspect de la production, défendre mes projets comme je l’entends. Si j’ai envie de faire dix clips et de les payer 50 000 euros, c’est mon problème maintenant. Je veux que mon public se dise : “P*tain, YL nous a fait du vrai YL en plein confinement. En plus, on a choisi nos propres morceaux.”