En octobre dernier s’ouvrait à La Haye (Pays-Bas) un tribunal citoyen consultatif afin de juger la multinationale Monsanto, connue notamment pour avoir longtemps détenu le brevet de l’herbicide controversé Roundup. Pendant six mois, des témoins, experts, avocats et juges du monde entier se sont succédés à la barre afin de rendre un avis consultatif légal (et non un jugement) que le tribunal devrait bientôt remettre aux Nations unies.
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Le verdict rendu mardi 18 avril reconnaît finalement la firme coupable d’atteinte aux droits humains dans quatre domaines : les droits à un environnement sain, à l’alimentation et à la santé, ainsi que la “liberté indispensable à la recherche scientifique”, détaille Le Monde. Par ailleurs, le tribunal accusait aussi Monsanto de complicité de crime de guerre pour avoir fourni l’agent orange à l’armée américaine pendant la guerre du Viêt Nam, mais aussi “d’écocide” – une forme de “génocide de l’environnement”.
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Faire progresser le droit sur l’environnement
Si cet avis n’a pas valeur de condamnation au sens juridique du terme, il cherche à éveiller les consciences et à faire avancer le droit sur l’environnement – notamment en faisant reconnaître le crime d’écocide dans le droit pénal international, où le terme est débattu depuis 1947. L’écocide est défini comme une atteinte à l’environnement qui altérerait de façon grave et durable les écosystèmes dont dépend la vie des humains.
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Les marées noires ou les déforestations sont déjà qualifiées par certains de “suicides écologiques”, dans le sens où elles altèrent durablement les écosystèmes. À ce titre, l’agent orange fourni par Monsanto à l’armée américaine pendant la guerre du Viêt Nam a détruit 2 millions d’hectares de forêts, soit 20 % de l’ensemble des forêts sud-vietnamiennes, et intoxiqué les populations locales qui, des décennies plus tard, donnent toujours naissance à des enfants souffrant de malformations.
Le Tribunal international Monsanto souhaite ainsi remettre le terme à l’ordre du jour, afin de créer une bonne fois pour toutes un concept juridique pour le crime d’écocide afin de l’intégrer dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Il s’agirait de renverser le paradigme actuel selon la juriste Valérie Cabanes, interrogée par Le Monde : “Le droit des entreprises, des règles du commerce mondial, sont en train de primer sur les droits de l’homme et ceux de la nature. Il est temps de redéfinir la hiérarchie des normes.” Aujourd’hui, de nombreux commentateurs et experts s’accordent à dire qu’avec la mondialisation il n’existe pas de contre-pouvoirs suffisamment forts pour faire face aux multinationales comme Monsanto – dont certains des agissements douteux restent impunis.
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