Le 19 mai, l’agence de presse Reuters a révélé un séisme dans le monde de la consumer tech et de la diplomatie internationale. Google, apprenait-on, s’apprête à révoquer la licence Android octroyée au constructeur chinois Huawei, dans ce qui restera comme un épisode sanglant de la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis.
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Le jeudi 17 mai, l’administration Trump plaçait Huawei, soupçonnée d’installer des “portes dérobées” (backdoors) dans ses produits à des fins d’espionnage pour Pékin, sur une “liste noire” commerciale, l’Entity List (ou figure également l’autre constructeur chinois ZTE), qui l’empêche désormais d’utiliser des technologies américaines sans obtenir au préalable un accord gouvernemental. En révoquant la licence Android de l’entreprise chinoise, Google ne fait que se conformer à la loi et a d’ores et déjà expliqué étudier différentes solutions pour remédier à la situation.
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Si vous possédez un smartphone Huawei ou Honor, vous avez raison de vous inquiéter de cette nouvelle crise entre Washington et Pékin, même si les conséquences devraient être limitées. On vous explique tout.
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Révoquer la licence Android, ça veut dire quoi ?
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Au-delà de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, ce blocage est effectivement un coup terrible pour Huawei. Pour le constructeur, la décision de Google signifie la perte d’accès à toutes ses applications dites “propriétaires” (soit Gmail, YouTube, Chrome et Maps, notamment) ainsi qu’au magasin d’applications Play Store et aux services additionnels de Google, le plus souvent invisibles à l’utilisateur, qui font fonctionner entre eux les différentes applis de l’écosystème Android. En clair, le smartphone Huawei (et Honor) sous Android tel que vous le connaissiez n’existera plus dans le futur.
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Suis-je affecté·e par cette décision ?
Oui et non. Contacté par Reuters, un porte-parole de Google a précisé que “pour les utilisateurs de [leurs] services, Google Play et les protections de Google Play Protect continueront à fonctionner sur les appareils Huawei existants”. La firme a confirmé l’information via le compte Twitter d’Android. Dans un premier temps, donc, vous ne devriez constater aucun changement sur votre téléphone. Pour ce qui est du futur, c’est une autre histoire…
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En effet, d’ici la mise à jour de la prochaine version d’Android, Huawei aura bel et bien perdu sa licence d’utilisation. Et si Huawei n’a plus accès à l’écosystème Google, alors en théorie vous non plus. Pour le moment, la grande inconnue se trouve là, ni Google ni Huawei n’ayant daigné clarifier la situation pour les utilisateurs.
L’une des solutions à court terme, pour le constructeur chinois, sera de basculer sur la version open source d’Android, appelée AOSP, qui échappe aux licences d’exploitation. Problème : AOSP n’inclut pas les services propriétaires de Google. Pour vous, donc, ça revient au même – pas de YouTube, pas de Chrome, etc. Pour info, la prochaine mouture d’Android, Android Q, est prévue pour août, et elle devrait progressivement débarquer sur tous les smartphones récents d’ici à l’automne. Ce qui laisse suffisamment de temps à Google et Huawei pour envisager des solutions de repli.
Enfin, vous pouvez toujours refuser obstinément de mettre à jour votre système d’exploitation mobile, ou décider de sauter le pas et de quitter pour de bon Android et Google pour installer votre propre système d’exploitation alternatif, comme Lineage OS. C’est un peu compliqué au début, mais les tutoriels sont très bien faits et on y survit très bien.
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Quelles solutions pour Huawei ?
Dans un premier temps, le constructeur devrait déployer une petite armée d’avocats pour tenter de faire invalider cette décision. Plusieurs fois accusé d’espionnage par Washington en raison de sa proximité avec le pouvoir chinois, Huawei a systématiquement répondu qu’il était impossible pour Pékin d’espionner les téléphones de la firme.
D’autre part, alors que la firme est accusée d’espionnage depuis plusieurs années déjà, personne n’a pu formellement prouver l’existence de ces fameuses backdoors dans les appareils Huawei. Comme l’expliquait Wired en mars dernier, à l’heure actuelle, Huawei est simplement coupable de concevoir des produits bardés de vulnérabilités, et rien d’autre.
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Comme on pouvait l’imaginer, le constructeur chinois n’est pourtant pas surpris de cette décision et aurait déjà un plan de secours. Selon plusieurs sources, parmi lesquelles le South China Morning Post et l’allemand Die Welt, Huawei développerait secrètement son propre système d’exploitation (OS) depuis 2012, conscient de sa dépendance à l’entreprise américaine.
Reste à savoir désormais si ce système alternatif sera entièrement fait maison (en intégrant les composants Android) ou basé sur l’Android open source. Car comme le rappelle The Verge, un Android sans Google est tout à fait faisable. Le marché chinois, d’où Google s’est retiré depuis 2010, y parvient très bien, en développant des alternatives locales aux services Google greffées sur une base AOSP.
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Quid du matériel ?
Côté matériel, enfin, Huawei indique être en capacité d’organiser toute sa chaîne d’approvisionnement en se passant des constructeurs américains. La marque, souligne 01Net, est l’une des seules au monde avec Apple et Samsung à maîtriser le système SoC (system on a chip), via une puce multifonction appelée Kirin. Depuis janvier 2019, Huawei maîtrise en outre son approvisionnement en processeurs basés sur l’architecture ARM, ce qui le libère de sa dépendance à Intel. Le 17 mai, Bloomberg révélait en outre que l’entreprise était discrètement en train de composer des réserves de puces depuis trois mois, anticipant la réaction de l’administration Trump.
Pourtant, relève Reuters dans un second article, tout n’est pas aussi facile qu’il n’y paraît : certaines entreprises américaines, qui fournissent des logiciels et du matériel (comme des lasers utilisés dans les réseaux de télécoms de Huawei), sont tout simplement irremplaçables par leurs équivalents chinois sans perdre en qualité. Enfin, le constructeur dépend d’une usine taïwanaise, TSMC, pour la fabrication des puces qu’il conçoit. Taïwan, pays notoirement “ami” des États-Unis, sur fond de tensions diplomatiques avec Pékin. Huawei est donc loin d’être aussi autonome qu’il le prétend.
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Huawei, le casse-tête de l’Occident
Après la décision de Google, d’autres entreprises américaines se sont à leur tour conformées aux nouvelles directives. Les fabricants de puces Intel, Qualcomm et Broadcom, ainsi que les fabricants de cartes mémoire Western Digital et Micro Technology ont à leur tour coupé le cordon avec Huawei. En Europe, Nikkei rapporte que l’entreprise allemande Infineon Technology emboîte le pas aux États-Unis.
Malgré les encouragements de Trump à adopter la même politique de défiance vis-à-vis de Huawei, aucun pays européen n’a pour le moment choisi d’entrer dans cette guerre commerciale. Le 16 mai, au salon VivaTech, Emmanuel Macron déclarait que “déclencher maintenant une guerre technologique ou une guerre commerciale vis-à-vis d’un autre pays n’est pas judicieux” et que la stratégie de la France “n’est pas de bloquer Huawei ou toute autre entreprise, c’est de préserver notre sécurité nationale et la souveraineté européenne”. Le 14 mai, Huawei avait annoncé vouloir signer des “accords de non-espionnage” avec plusieurs pays européens, comme le Royaume-Uni, en gage de bonne foi.
Leader mondial incontesté sur les futures infrastructures de déploiement du réseau mobile 5G, la firme de Shenzhen est un casse-tête pour les gouvernements, tiraillés entre la nécessité d’acquérir la meilleure technologie possible et le risque de confier ce marché à une entreprise historiquement proche du régime chinois. En 2018, Challenges révélait que la France surveillait l’entreprise via un dispositif interministériel appelé Cerbère et classé secret-défense.
En avril, l’Assemblée nationale votait une loi obligeant les opérateurs mobiles à demander une autorisation au Premier ministre pour le déploiement d’équipements radioélectriques – une manière d’écarter explicitement Huawei du marché public de la 5G et de préserver à la fois la souveraineté nationale et les rapports diplomatiques avec Pékin. Reste maintenant à voir comment Pékin va réagir à la provocation de l’administration Trump, visiblement décidée à contrecarrer les ambitions technologiques de la superpuissance chinoise.