Au centre de la controverse, un autre homme, Eric Koziel, connu dans le monde des speedrunners sous le pseudo “Omnigamer”. Pour mémoire, les speedrunners, plus précisément les tool-assisted speedrunners, ce sont ces barjots qui utilisent leurs connaissances en programmation pour bricoler des programmes capables d’atteindre, de repousser, et carrément dépasser les limites d’un jeu vidéo, découvrant ainsi de nouvelles manières de le terminer le plus rapidement possible – le tout en direct sur Twitch.
Le 21 mai 2017, Omnigamer a publié une vidéo dans laquelle, aidé d’un logiciel maison, il tente de reproduire – voire de surpasser — la performance de Rogers. Son meilleur temps restera bloqué à 5,57 secondes. Il réitérera l’opération sans aide du logiciel et restera bloqué à l’exact même score.
Jusqu’à aujourd’hui, précise Kotaku, 13 speedrunners ont tenté le coup. Aucun n’a pu aller plus vite que 5,57 secondes. Contactée par la communauté, l’équipe d’Activision chargée de tester le jeu dans les années 1980 donne, elle, un temps minimal théorique de 5,54, ce qui rend la performance de Rogers encore plus suspecte.
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Aucune preuve retrouvée
Depuis plusieurs mois, la dispute gronde entre la communauté du speedrun et Rogers – la première inondant les forums de Twin Galaxies de preuves, le second défendant son record plus tôt dans l’année en arguant qu’il existe “au moins neuf façons de passer les vitesses” dans le jeu et que Koziel et les autres speedrunners se focalisent sur une seule en ignorant le facteur humain du jeu.
Un argument enterré par Koziel, qui rétorque que son analyse informatique du jeu révèle qu’il n’existe “qu’un seul bloc de code” pour vérifier si la vitesse est passée ou non, soit “un processus entièrement binaire”. Le 8 novembre, une procédure de contestation est officiellement lancée contre Rogers.
Les arguments des speedrunners, à la fois empiriques et méthodiques, finissent par convaincre Twin Galaxies de réexaminer les preuves de record fournies à l’époque par Rogers. Problème : après des mois d’enquête, Twin Galaxies ne parvient pas à mettre la main sur le Polaroid, ne retrouve aucune des preuves qui ont permis à Activision de valider ledit score, et n’arrive même plus à trouver un seul témoin de la performance. Le scepticisme grandit, au point que Twin Galaxies commence à s’intéresser aux autres records détenus par Rogers.
Car l’homme est loin d’être un quidam, rappelle le Washington Post : devenu dans les 80’s l’un des premiers joueurs de jeu vidéo au monde à passer pro, il fit également partie de la toute première équipe nationale de jeu vidéo américaine et collectionne des scores presque miraculeux à des jeux classiques comme Centipede et Donkey Kong, desquels ses plus proches adversaires n’ont jamais réussi à s’approcher. Au fil des mois, Twin Galaxies acquiert une certitude : Rogers joue trop bien pour que ce soit vrai. En l’absence de preuves tangibles, lundi 30 janvier, le régulateur a tranché : toute trace de Rogers est effacée des tablettes :
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“Notre approche méthodique a permis de faire surgir plusieurs choses, non seulement liées à ce score spécifique mais à d’autres scores, et de remettre en question une partie de l’histoire du jeu vidéo jamais contestée jusqu’alors.
Nous ne pouvons pas changer la position d’Activision sur ce score mais nous avons une responsabilité vis-à-vis des performances et nous ne pouvons plus désormais accepter leurs archives comme unique justification des scores effectués par le passé.”
Le Guinness des records a également été contacté, précise l’entreprise. En l’état actuel des choses, Todd Rogers a disparu d’une partie des annales du jeu vidéo. Peut-être a-t-il falsifié son score, peut-être est-il victime d’une terrible injustice, comme le pense notamment David Crane, le créateur de Dragster. Cependant, en l’absence de preuves, pas de place pour le doute : le meilleur score possible à Dragster est désormais de 5,57 secondes.
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