Ni hausse ni baisse du nombre de fumeurs
Premier constat, depuis près de sept ans, le chiffre des fumeurs est stable. Le rapport informe en effet qu’“en France, en 2016, 34,5 % des 15-75 ans fumaient du tabac, 28,7 % quotidiennement. Ces prévalences sont stables depuis 2010, après la hausse observée entre 2005 et 2010″.
Pourtant, ce ne sont plus les mêmes qui fument le plus. Pendant la Première Guerre mondiale, la consommation de cigarettes s’est généralisé dans les tranchées, et fumer était par conséquent un acte très masculin. Cependant, petit à petit, les femmes se sont approprié le tabac. En 2014, 30 % des fumeuses étaient des femmes.
Aujourd’hui, le rapport pointe “une augmentation du tabagisme chez les femmes dans les classes d’âge les plus élevées”. Santé publique France justifie ce pic de fumeuses chez les 55-75 ans par un effet de génération. Lorsque ces femmes avaient 20 ans, fumer était beaucoup plus à la mode qu’aujourd’hui, et les dangers du tabac n’étaient pas autant relayés. En revanche, les jeunes femmes de 15 à 24 ans fument moins que leurs aînées. “Un résultat encourageant pour l’avenir”, souligne l’agence nationale de santé publique.
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Quand fumer rime avec précarité
Mais le constat le plus saisissant de cette enquête réside dans la corrélation entre pauvreté et tabagisme : “L’accroissement des inégalités sociales en matière de tabagisme depuis le début des années 2000 se poursuit. La prévalence de la consommation de tabac augmente parmi les plus défavorisés, mais elle diminue parmi les personnes ayant des hauts niveaux de diplôme et de revenus.”
Parmi les facteurs les plus importants, le rapport pointe le stress, mais également le chômage et l’influence de l’environnement social. Les chercheurs de Santé publique France mettent en avant “l’utilisation de la cigarette pour gérer le stress”, “la difficulté à se projeter dans l’avenir, “la méfiance à l’égard des messages de prévention”, “le déni du risque”, “une dépendance nicotinique plus importante”, ainsi qu’“une norme sociale en faveur du tabagisme”.
Pire encore, un éventuel arrêt du tabac serait conditionné à la situation socio-économique de la personne. “Les fumeurs des catégories sociales moins favorisées sont aussi nombreux que les autres à vouloir et à tenter d’arrêter de fumer, mais ils y arrivent moins souvent”, explique le rapport. En cause, le prix. Car si fumer coûte cher, arrêter de fumer aussi. Depuis le 1er novembre 2016, l’Assurance maladie rembourse à hauteur de 150 euros par an les traitements par substituts nicotiniques (patchs, gommes, pastilles, inhaleur…). À 30 euros environ la boîte de patchs pour un mois, cela revient donc à 360 euros par an, soit plus du double de ce qui est remboursé. Les professions supérieures et les cadres disposent en revanche de mutuelles proposées par leur entreprise, qui viennent souvent compenser remboursement ce remboursement a minima. Mieux encore, certaines de ces mutuelles proposent des stages pour arrêter de fumer.
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“La cigarette du pauvre”
Dans leur article “La cigarette du pauvre”, Jean Constance et Patrick Peretti-Watel analysent cette corrélation :
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“Les personnes en situation de précarité, et en particulier celles qui sont au chômage, persistent plus souvent à fumer, alors même que la hausse des prix ampute une part non négligeable du très modeste budget dont elles disposent.”
Sans nier l’importance du stress dans le tabagisme, les sociologues mettent en évidence le rôle de l’exclusion sociale dans l’arrêt du tabac : “Certains tent[e]nt de se réinscrire dans la société en politisant la cigarette. […] La cigarette apparaît comme le dernier palliatif pour combler l’ennui d’un temps vide, soulager la solitude d’une existence ancrée dans le présent par défaut d’avenir.”
Quant aux mesures d’augmentation du prix du tabac prises par le gouvernement, les sociologues parlent d’un “impôt régressif qui tend à paupériser davantage les plus démunis, à accroître leur précarité et à dégrader leurs conditions de vie, sans pour autant parvenir à les préserver des risques annoncés du tabagisme”.
Le président Emmanuel Macron souhaite, lui, poursuivre cette politique d’augmentation en faisant passer le prix du paquet de cigarettes d’environ 7 à 10 euros. Il voit dans ce prix “une frontière symbolique, significative et dissuasive”. Les associations de lutte contre le tabagisme réclament cette hausse, tandis que les buralistes, eux, y voient pointent le risque de voir la contrebande gagner du terrain. De manière générale un Français sur quatre est favorable à l’interdiction totale du tabac.