Cela fait maintenant plusieurs années que le “cloud gaming” est sur les lèvres de tous les professionnels de l’industrie vidéoludique et que l’on réfléchit à faire baisser la part de “hardware” (PC, console ou smartphone) dans la pratique des jeux vidéo. L’idée paraît simple : se passer de machines puissantes pour jouer, laissant à des serveurs lointains la tâche de faire tourner un jeu et n’avoir ainsi qu’à profiter de son rendu vidéo et sonore sur n’importe quel écran.
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L’idée n’est pas nouvelle, du GeForce Now de Nvidia (toujours en bêta) au PS Now (PlayStation) en passant par la technologie (française) Shadow qui dématérialise, elle, un ordinateur entier, de nombreux acteurs se sont essayé, avec plus ou moins de succès, au streaming de jeux vidéo.
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Tout récemment, ce sont de grandes multinationales comme Apple ou Amazon qui ont annoncé vouloir se placer dans le gaming, via une formule que l’on compare déjà à un “Netflix du jeu vidéo”.
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En effet, même si cela dépend encore beaucoup de la qualité de la connexion Internet, la technologie du cloud gaming est parfaitement fonctionnelle en l’état. Pourtant, ce n’est pas encore la priorité des joueur·euse·s. Ce n’est pas une question de “conservatisme” vis-à-vis des consoles ou des PC, mais plus une question de praticité (la fibre est souvent nécessaire) et de prix.
La véritable nouvelle ère du jeu vidéo ne sera pas uniquement composée de machines dématérialisées, mais bien d’un catalogue de jeux aussi accessible qu’une série ou un film. C’est là que l’arrivée en force de Google via son service Stadia pourrait radicalement changer la donne.
1. Stadia, c’est son nom
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Google n’avait pas lésiné sur ses annonces, bien qu’assez tardives. On savait que le géant américain allait annoncer un service de cloud gaming à la Game Developers Conference, le plus grand salon qui rassemble développeurs de jeux et leurs éditeurs, une sorte “d’E3 technique”. Un rendez-vous immanquable pour les professionnels de l’industrie.
Il faut ainsi comprendre que cette annonce est avant tout une grande opération de séduction vis-à-vis des studios. Google a souhaité faire une véritable démonstration de force de sa technologie pour légitimer son arrivée dans le gaming. Le pied de nez à Amazon, Apple ou même Microsoft est réussi, puisque le lancement complet du projet est annoncé pour la fin d’année.
Stadia, c’est le nom que portera le “service” proposé par Google. Il ne s’agit donc pas d’une console, le seul hardware proposé étant une manette compatible wi-fi et Bluetooth. Les jeux seront directement accessibles via un simple onglet de l’explorateur Chrome, la firme l’ayant déjà testé (et laissé tester) avec une version bêta qui permettait de jouer à Assassin’s Creed : Odyssey. Google ne manquera pas d’ailleurs de remercier Yves Guillemot, PDG d’Ubisoft, pour cette “heureuse collaboration”.
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Bien entendu, il s’agit d’une conférence pour développeurs. Tout était prêt pour ce jour J et la démonstration de Stadia, qui semble pour le coup totalement réelle (sans trucage), est finalement assez impressionnante :
Notebook, PC bas de gamme mais aussi smartphones et tablettes Android, tout semble pouvoir faire tourner une seule et même partie d’Assassin’s Creed avec un délai complètement dérisoire et dans une qualité digne d’un PC haut de gamme cette fois-ci.
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Bien entendu, la manette également lancée par Google s’inscrit complètement dans cette dynamique de pouvoir jouer avec quasiment n’importe quelle interface. Si sa forme rappelle étrangement celle de la manette Switch Pro, elle n’en reste pas moins un outil qui permettra de garder les joueur·euse·s dans le giron de Google.
Les capacités techniques annoncées pour Stadia sont bien entendu à la hauteur : sans rentrer dans les détails, cela dépasse bien entendu la puissance d’une Xbox One X (à ce jour la console la plus “puissante” en termes de calcul) et se place au niveau d’un PC gaming du haut du panier.
Cependant, ces détails s’adressent principalement aux développeurs. La majorité des joueur·euse·s n’est pas particulièrement fascinée par les des considérations ultratechniques (tant que le jeu marche correctement).
2. Google, nouveau “Netflix du jeu vidéo” ?
Comme pour la plupart de ses concurrents, Google pourra espérer se démarquer en proposant un véritable “Netflix du jeu vidéo”, c’est-à-dire un catalogue de jeux conséquent. Il va sans dire que de nombreuses ressources financières et technologiques vont être allouées au projet Stadia. Google a annoncé qu’il ne faudrait qu’une dizaine de jours pour ajouter un titre à son catalogue et a pris le prochain Doom Eternal comme exemple de ce délai.
Cependant, la pieuvre Google ne se reposera pas uniquement sur les autres éditeurs et compte bien produire elle-même ses jeux avec la création de Stadia Games & Entertainment, sous la houlette de Jade Raymond, passée par Ubisoft et EA. Google ne suit pas, mais entre en force dans le gaming.
Et cela passe aussi par une grande opération de séduction de la communauté des gamers :étant donné que la GDC s’adresse principalement aux développeurs, d’autres infos pour les joueur·euse·s sont à venir, qui seront annoncées à l’E3 en juin prochain.
Google est très clair dans ses ambitions de créer l’union parfaite entre Stadia et YouTube, et donc avec les streamers, nouveaux influenceurs de la scène vidéoludique depuis quelques années. Il est vrai que les streamers sont pour l’instant en ultramajorité sur Twitch, la plateforme rachetée par le concurrent Amazon. Cependant, Google a quelques ficelles en pour attirer de nouveau les lives et vidéo gaming sur YouTube.
Possibilité de rejoindre en un clic une partie d’un streamer, points de vue de ses ami·e·s affichés en simultané, solution à une énigme en direct via le Google Assistant. La drague intensive vis-à-vis des communautés de gamers était presque trop grosse, mais Google a au moins réussi à être reconnu, l’espace d’une conférence d’une heure, comme un nouvel acteur incontournable de l’industrie vidéoludique.
3. Des questions éthiques soulevées
Évidemment, le fait qu’une des premières firmes au monde avance ses ramifications dans un nouveau secteur (et, qui plus est, un secteur culturel de masse et le plus lucratif aujourd’hui), peut faire émerger de nombreuses inquiétudes. Tout d’abord, un poncif auquel Google est habitué (et il y a de quoi) : l’éternelle question des données personnelles. Avoir un hardware dématérialisé, c’est avoir encore moins l’accès et le contrôle à sa “data”. Le jeu vidéo est loin d’être une exception.
Lorsqu’on voit que déjà Sony et Microsoft se font une joie de récupérer vos “expériences de jeux” pour améliorer la vôtre, il est difficile de ne pas être au moins méfiant lorsque Google, le champion toutes catégories de concentration de données personnelles, souhaite désormais devenir votre interface de jeu.
Enfin, il y a évidemment une question écologique qui se pose, car pour faire fonctionner de manière optimale son service Stadia, le géant du Web n’annonce pas moins de 7 500 “relais” pour traiter les calculs des jeux. Un chiffre considérable qui nous rappelle aussi à quel point que les centres de données sont extrêmement énergivores.
Pas sûr que, dans un futur hypothétique, l’absence de consoles et PC (et de leurs composants polluants donc) soit suffisante pour pallier ce gouffre énergétique.