Mensonges
La discrétion, justement, c’était la promesse de base de Snapchat, qui faisait miroiter une confidentialité maximale : les photos envoyées, les fameux “snaps”, ont une durée de vie comprise entre une et dix secondes… du moins, c’est ce que l’appli a toujours voulu faire croire. En mai 2014, la sanction venait d’en haut : la Federal Trade Commission (FTC) américaine jugeait que la petite entreprise se rendait coupable de mensonge.
Il aura donc fallu deux ans et demi pour se rendre compte que les snaps, censés “disparaître pour toujours”, restent en fait bien au chaud dans la mémoire du téléphone. Selon Time, les vidéos envoyées via l’appli sont “facilement accessibles” en pluggant le smartphone destinataire à un ordinateur. La plainte de la FTC porte aussi sur les captures d’écran réalisées par les détenteurs d’iPhone.
Logiquement, toute capture d’écran d’un snap par le destinataire doit être notifiée à l’émetteur. Or, selon la FTC, ce n’est pas systématiquement le cas, et le simple fait de pouvoir sauvegarder une capture d’écran brise les propres règles fixées par Snapchat auprès de ses utilisateurs.
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Snapchat tente l’esquive
Mais quelle est la responsabilité de Snapchat dans la fuite de ces dizaines de milliers d’images dont des sources insistent sur le fait qu’il s’agit de nombreuses photos de nu ? Toujours aussi fière sous sa cape de fantôme, l’entreprise martèle qu’aucun hacker ne s’est introduit dans ses serveurs et se défend sur l’air du “c’est pas moi, c’est eux” :
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Les serveurs de Snapchat n’ont pas été pénétrés et ne sont pas la source de ces fuites. Ces snapchatteurs ont été victimes de l’utilisation d’applications de tierce-partie pour envoyer et recevoir des snaps, une pratique que nous interdisons expressément dans nos conditions d’utilisation précisément parce qu’elle compromet la sécurité de nos utilisateurs.
Snapchatters were victimized by their use of third-party apps to send and receive Snaps, a practice that we expressly prohibit in our ToU.
— Snapchat (@Snapchat) 10 Octobre 2014
Snapchat détourne l’attention vers deux cibles. Tout d’abord l’appli Snapsave, qui permet d’enregistrer automatiquement un contenu éphémère reçu par Snapchat. Mais aussi www.SnapSaved.com, un site Internet qui sauvegardait en ligne les snaps reçus par un utilisateur. Business Insider rapporte que le développeur de Snapsave Georgie Casey nie toute responsabilité à son tour ; en ce qui concerne www.SnapSaved.com, le site n’existe plus depuis plusieurs mois et fait place désormais à un site d’e-commerce de produits électroménagers danois.
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“Sécurité ? Quelle sécurité ?”
Quoi qu’il en soit, Snapchat ne devrait pas trop la ramener. Sous ses dehors d’application de messagerie alternative, plaçant l’éphémère et la vie privée au cœur de ses préoccupations, les différents revers reçus en si peu de temps montrent que le service n’est pas sûr. Mais alors pas sûr du tout.
A la toute fin de l’année 2013, quelques hackers s’offraient Snapchat en cadeau de Noël. Ainsi, ils pirataient 4,6 millions de comptes, principalement pour sensibiliser les utilisateurs à la fragilité des systèmes de sécurité de Snapchat. Leur avertissement était alors le suivant :
Notre objectif principal est de sensibiliser le public sur la façon dont de nombreuses entreprises sur Internet disposent des données de l’utilisateur de manière téméraire. C’est un objectif secondaire pour eux, et cela ne devrait pas être le cas. Vous ne voulez pas manger dans un restaurant qui dépense des millions dans la décoration, mais presque rien dans l’hygiène.
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Mais il n’y a pas que de dangereux hackers voleurs de données et la FTC pour taper sur les doigts de Snapchat. Le 15 mai 2014, l’Electronic Frontier Foundation dévoilait son classement (PDF) des services les plus craignos en matière de sécurité de la vie privée. Le service de photos pas-si-éphémères-que-ça-finalement se voyait couronner pire appli du genre.
Aussi, la plainte de la FTC américaine ne portait pas uniquement sur les captures d’écran. Autres problèmes, la plateforme aurait également collecté des informations de géolocalisation de ses utilisateurs Android : une autre violation de sa propre politique de confidentialité… et de ses promesses envers les utilisateurs.
De plus, Snapchat n’aurait pas eu de scrupules à accéder aux numéros de téléphone des amis de nombreux abonnés… sans que les utilisateurs soient au courant, et ce jusqu’à la version iOS 6. Mieux encore, des failles de sécurité dans la fonction ”Rechercher des amis” conduisent à l’envoi par inadvertance de clichés à des inconnus en utilisant des numéros qui ne leur appartenaient pas.
Edith Ramirez, présidente de la FTC, avait alors cette phrase lapidaire :
Si une entreprise vend un service fondé sur la sécurité et la confidentialité, c’est essentiel qu’elle tienne ses promesses.