L’exposition “Salope ! et autres noms d’oiselles” explore l’histoire des femmes et de leurs représentations sous l’angle de l’étymologie, de la science et de l’art. À voir à Paris jusqu’au 18 octobre prochain.
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“D’un coup, on a ralenti, lorsqu’on est passé
Au niveau de la pharmacie, juste à côté du café
Mon Dieu, c’qu’on peut être con, quand on est entre potes
On a baissé la vitre, on a crié : ‘Salope !'”
Sortie il y a quelques mois, la chanson Salope ! de Bigflo et Oli met l’accent sur l’insulte la plus entendue dans le harcèlement de rue. Une étude de l’Institut national d’études démographiques (Ined), menée par Amandine Lebugle et relayée par Libération, s’est en effet penchée sur “Les insultes à l’encontre des femmes dans les espaces publics” en 2015. Et la grande gagnante était bien “salope”, utilisée dans près d’un quart des cas de harcèlement de rue (24 %).
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Le terme semble particulièrement populaire chez les plus jeunes : “35,8 % des 15-29 ans avaient entendu l’insulte ‘salope’ dans les deux dernières années, contre 5 % des plus de 60 ans”, rapportait Libération. Qui indiquait également que l’insulte était avant tout prononcée par des hommes, sauf chez les mineur·e·s. Pour les jeunes filles, il s’agit d’“une manière de se différencier d’un groupe dont on estime ne pas faire partie”, analysait Amandine Lebugle.
L’histoire de cette injure est liée à celle de la considération des femmes
La chercheuse y soulignait une perception particulière du mot, que seules 64 % des femmes traitées de “salope” considéraient comme étant une injure sexiste. Pourtant, en analysant toutes les insultes, 62,5 % des femmes harcelées dans la rue seraient victimes de sexisme. Et si le mot semble ainsi particulièrement utilisé chez les plus jeunes, il est apparu dès le XVIIe siècle.
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Comme son nom l’indique, l’exposition “Salope ! et autres noms d’oiselles”, qui a lieu jusqu’au 18 octobre à la Fondation Maison des sciences de l’homme (FMSH), à Paris, est consacrée à cette insulte. Car l’histoire de ce terme est liée à celle de la considération des femmes, tout comme d’autres mots qui ont reçu au fil du temps des connotations péjoratives, tel “blonde”.
“L’exposition propose une certaine vision de l’histoire des femmes et des représentations qui leur sont traditionnellement attachées, de la maman à la putain, de l’amazone aux Femen, de Gervaise à Nabila, de Marie-Antoinette à Margaret Thatcher…”, explique la FMSH.
Programmée par l’Université libre de Bruxelles (ULB) et coordonnée par la professeure de linguistique Laurence Rosier, l’exposition s’inscrit dans le cadre des 40 ans de la revue Langage et Société. Et se veut à la fois “scientifique, artistique et éducative”.
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Des insultes qui ont une dimension sexuelle révélatrice
Cette insulte “stigmatise à merveille notre rapport à la sexualité dans une société qui peine encore à assimiler la vague de libération sexuelle du milieu des années 1960”, comme l’indique la commissaire de l’exposition au Huffington Post. Ainsi, à son origine, l’”insulte star” s’écrivait avec deux “p” et désignait les personnes malpropres. Ce n’est que plus tard que le terme s’est vu attribuer une dimension sexuelle :
“À partir du XVIIIe siècle, le côté sale et malpropre commence à désigner les choses viles ou basses, puis glisse pour ne définir que la prostituée. Ce glissement s’opère à cause de la police de l’époque qui voulait distinguer les prostituées de rue, de basse extraction, porteuses de maladies comme la syphilis, des courtisanes, perçues comme des filles de joie de haut vol.”
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Aujourd’hui, “salope” désigne une “femme débauchée, de mœurs dépravées, ou qui se prostitue” selon le CNRTL. Et son succès s’explique d’après Laurence Rosier par le fait que le terme est “facile à retenir” et “porte un imaginaire fécond”. Pourtant, au XXe siècle, le mot est repris par des femmes, comme Madonna qui “a réussi à se réapproprier les termes de ‘slut’ et de ‘bitch’ avec brio”, souligne la chercheuse.
Elle remarque cependant qu’en France, “il a été utilisé pour revendiquer le droit à l’avortement, mais la connotation sexuelle est trop présente, il n’a pas été assez dénaturé”. Et cette problématique reste essentiellement féminine, puisqu’il apparaît bien que “les comportements sexuels des hommes ne sont pas stigmatisables à la même hauteur”.
En plus de présenter des recherches scientifiques et historiques sur les insultes spécifiques aux femmes, l’exposition donne à voir des illustrations artistiques proposées par huit artistes contemporain·e·s, comme Éric Pougeau, qui a notamment dénoncé les violences faites aux femmes avec sa couronne funéraire traversée du mot “salope” en 2001.
Le travail de Cécilia Jauniau, qui déshabille des “femmes enfermées dans leur propre représentation”, sera également présenté, avec ceux de Sara Júdice De Menezes, Tamina Beausoleil, Martine Seguy, Christophe Holemans, François Harray ainsi que Lara Herbinia et ses FemmeS libreS. Enfin, les visiteurs·rices pourront compléter le corpus de ces “noms d’oiselles” sur un mur de la honte.
Vous pouvez voir cette exposition jusqu’au 18 octobre à la Fondation Maison des sciences de l’homme (54 boulevard Raspail, 75006 Paris), du lundi au vendredi, de 9 heures à 20 heures. L’entrée est libre.