Au lendemain des élections européennes, la France se découvre massivement eurosceptique. Coup d’œil sur Facebook et Twitter où les réactions face à la performance du Front National font couler beaucoup, beaucoup d’encre.
Hier, en croyant punir le parti au pouvoir, les électeurs français ont largement sanctionné l’Europe. Tandis que les journalistes évoquent un “séisme politique”, dans les urnes, on comptait 25% de voix pour les candidats issus du Front national. 25% de voix contre la monnaie unique européenne, 25% de voix contre la solidarité économique au sein de l’union, 25% de voix contre la Politique agricole commune (PAC), 25% contre l’immigration et la liberté de circulation de l’espace Schengen. Entre autres.
Dès le lendemain du 25 mai, sur les plateaux des matinales à la radio, dans les colonnes des journaux et partout ailleurs sur la place médiatique, c’est l’heure du commentaire et de l’analyse. Invités, des politiciens, des sociologues, des auteurs, des éditorialistes. Mais sur Internet aussi, on s’indigne, on jubile, on compare, on réagit.
Alors que comme l’atteste Le Monde, le FN a obtenu ses meilleurs scores auprès des moins de 35 ans, chez qui il plafonne à près de 30% des voix exprimées, que montrent les réseaux sociaux du vote d’hier ?
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63 000 personnes pleurent sur Facebook
Manifester, c’est fatigant
Génération second degré ?
“Marine Le Pen : “Je tiens à remercier les Français les plus faibles psychologiquement d’avoir voté pour nous”.
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L’humour est acide, le message transparent.
Le Front en “trending topic”
Ce lundi matin, sur Twitter, les “trending topics” (soit les sujets les plus tendance sur le site de micro-blogging) sont de saison. Les mots-clé les plus tapés dans la barre de recherche de Twitter, parfois accompagnés d’un hashtag pour identifier l’occurrence, se nomment “#FrontNational”, “Le FN” ou bien le militant “#TousUnisContreLeFN”.
Réseau social oblige, cet agora moderne en 140 caractères qu’est Twitter permet alors à toutes les passions de se déchaîner et à toutes les raisons différentes de s’exprimer, équitablement. Moqueries, stigmatisation de l’abstention ou encore perte de foi en l’humanité : du meilleur au pire – voire au bien, bien pire – de l’aphorisme.
Cette élection aura au moins, je l'espère, eu l'avantage de faire un électrochoc aux abstentionnistes. #TousUnisContreLeFN
— AntoineF (@Junk2luxe) 26 Mai 2014
#TousUnisContreLeFN C'est pas sur Twitter qu'il fallait se mobiliser hein MAIS AUX URNES !
— Cassandra (@Cassandra_B13) 26 Mai 2014
Si le FN nous fait sortir de l'europe on va payer nos mcdo 7 fois plus cher ! Genre 50 Francs ! #TousUnisContreLeFN
— Fangh (@FanghGD) 26 Mai 2014
Quand tu lis le niveau d'analyse politique de #TousUnisContreLeFN, le score du FN devient d'une limpidité et d'une évidence troublantes.
— La Bonne Fée (@LBF_LaBonneFee) 26 Mai 2014
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Timide victoire sur les réseaux
Au lendemain d’une “victoire historique”, on aurait pu s’attendre à une manifestation de joie proportionnée. Or, si les sympathisants Front National jubilent dans leur coin, leurs rares tentatives de “sortir du bois” pour se révéler ne fédèrent pas.
À peine constate-t-on le hashtag #OnsefollowentreFN dont certains se sont emparés timidement. Malgré tout, les quelques-uns qui utilisent un tel mot-clé sont souvent des militants, affichant dans leur présentation Twitter ou bien sur leur photo de profil l’allégeance au parti fondé par Jean-Marie Le Pen.
Apres cette imense victoire, il faut plus que jamais se regrouper. Je propose une opération #OnSeFollowEntreFN !
On Follow tous ceux qui RT
— Paul_DRU (@Paul_DRU) 26 Mai 2014
Une votante FN de 25 ans : “je vomis Jean-Marie Le Pen”
Nous avons tenté de prendre contact sur Twitter avec des jeunes qui déclarent avoir voté FN. Et là, un constat : difficile, lorsqu’on est journaliste, de recueillir le témoignage de citoyens qui ont voté pour un parti qui a plusieurs fois affiché son mépris pour les journalistes.
À peine quelques réponses nous parviennent. Roxane, 25 ans, fustige “les dealers” aux côtés desquels elle affirme avoir grandi “en cité”, déplore le désespoir que ressentent “nous, les jeunes diplômés” mais ne se considère “pas raciste”. Elle conclut : “les jeunes votent FN car ils se sentent abandonnés, tout simplement”.
Un autre témoignage, celui d’Anaïs, s’intéresse à la prise de parole politique sur Twitter. Selon elle la jeune fille, “en regardant les commentaires sur Twitter concernant les résultats des Européennes, j’ai vu de nombreux Français issus de l’immigration voter eux-mêmes pour le FN”. Et de lui opposer une “nouvelle génération d’illuminés” qui sont “contre tout le monde et qui piétinent le respect que leurs grands-parents ont acquis tout au long des dernières décennies”.
Si elles s’engagent clairement aux côtés du Front, les deux jeunes filles nuancent : elles ont voté pour Marine Le Pen, pas pour son père. Anaïs n’aurait pas voté pour celui qui est désormais Président d’honneur, pas plus que Roxane qui conclut :
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Je me sens proche de Marine, mais je vomis son père Jean-Marie.
Les Patriotes, Facebook du FN
Or Front National et Rassemblement Bleu Marine n’hésitent plus : pour gagner le combat dans les urnes, il faut mener la bataille de communication sur la place numérique. Fin mai, le Front National dévoilait son propre “réseau social militant” (oui, oui) : Les Patriotes. Plus brandée que Front Rencontre, cette plateforme affiche ses intentions comme on placarde une affiche électorale : le but est de faire grandir la communauté de jeunes électeurs du FN. Quoi de mieux qu’un réseau social pour ce faire ?
Thierry Devars, enseignant et chercheur au Celsa, et spécialiste de la communication politique sur internet répondait à une interview de VICE France à propos de cette plateforme. Fort de l’échec en 2010 du réseau social de l’UMP “Créateurs de Possibles”, il ne pense pas que cet outil du parti puisse être décisif autrement qu’en interne.
Pour lui :
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Il s’agit juste d’élargir la base électorale, ce n’est pas une démarche pertinente. Mais s’il s’agit de créer un outil de mobilisation efficace entre militants, donc un moyen de communication en interne, cela peut être intéressant.
De quoi rassembler la base grâce à une sorte de gigantesque forum, donc.
Aussi, et c’est plus inquiétant car cela ne se passe pas qu’en interne, le parti d’extrême-droite arrive petit à petit à s’approprier l’usage du mot “patriote”, prise de guerre sémantique tout sauf involontaire.
Louis @louis_aliot tu es depuis hier soir l'homme le plus jalousé de France chez les patriotes. On aime tous @MLP_officiel QUELLE FEMME !!
— Brigade Patriote (@Titifoso) 26 Mai 2014