Reconnaissance du féminicide en France : Osez le Féminisme ! monte à nouveau au créneau

Publié le par Mélissa Perraudeau,

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Après la publication de l’étude du ministère de l’Intérieur sur les meurtres conjugaux commis en 2016, l’association Osez le féminisme ! demande à nouveau la reconnaissance du féminicide en France.

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(© Claire Bouet)

Ce 1er septembre, Libération rapportait le bilan du ministère de l’Intérieur concernant les meurtres conjugaux commis en 2016. 123 femmes ont été assassinées l’année dernière par leur mari, leur copain, leur amant… En moyenne, une femme a été tuée tous les trois jours. Ce nombre relativement “stable” par rapport aux chiffres de 2015 (122 femmes avaient été assassinées cette année-là) démontre que les mentalités ne semblent pas évoluer. Pour cause, selon l’association Osez le féminisme !, qui a publié un communiqué de presse le 2 septembre expliquant :

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“Nous vivons aujourd’hui encore dans une société où les hommes considèrent les femmes comme leur propriété, n’acceptent pas qu’on puisse leur opposer un ‘non’. Ce meurtre a un nom : le féminicide (le meurtre d’une femme, d’une fille en raison de son sexe).”

Un rapport symptomatique du traitement des féminicides en France

L’association féministe, créée en 2009, s’est indignée de la distinction faite à la fin du rapport du ministère de l’Intérieur, entre les femmes tuées qui étaient en “couples officiels” et celles en couples “non-officiels” (soit non-mariées). “Il faudrait donc être ‘officiellement’ en couple pour être considérée comme une femme victime d’un homme violent ?!” interroge le communiqué, qui souligne également de “nombreuses imprécisions dans les nombres et euphémisations des violences masculines”.

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Osez le féminisme ! dénonce une “catégorisation des crimes visant à faire baisser les chiffres”, une absence de contextualisation des chiffres (comme avec la mention floue de “rivalités amoureuses”), ainsi qu’un “choix de mots qui ne déconstruisent pas les mécanismes des violences patriarcales”. Au lieu de nommer précisément la culpabilité des meurtriers, ces derniers sont désignés en tant qu’“auteurs”, qui ont tué dans le cadre d’une “dispute” − comme si ce cadre pouvait expliquer, voire excuser le meurtre commis.

Pour l’association, cette absence de déconstruction des mécanismes des violences patriarcales est étroitement liée au traitement des féminicides en France. Si, depuis 2016, le sexisme est considéré comme une circonstance aggravante des crimes et délits, “le droit pénal français refuse de consacrer le féminicide”, comme le remarque également la Revue des droits de l’homme, qui souligne que si la prise en compte du caractère sexiste des crimes et délits a le mérite de mettre l’accent sur l’égalité entre les genres, elle nie “toute la mesure des violences faites aux femmes”.

En 2014, la France a pourtant ratifié la Convention d’Istanbul, qui reconnaît que la “nature structurelle de la violence à l’égard des femmes est fondée sur le genre, et que la violence à l’égard des femmes est un des mécanismes cruciaux par lesquels les femmes sont maintenues dans une position de subordination par rapport aux hommes”. Toujours comme souligné par la Revue des droits de l’homme, refuser de “consacrer le concept de féminicide sous couvert de préserver la neutralité du droit” revient donc ainsi à continuer “d’invisibiliser les violences dont les femmes sont victimes”.

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De l’importance cruciale de nommer et reconnaître le féminicide

Fin juin, Libération dénonçait précisément le traitement par les médias des violences et meurtres féminicides avec un dossier consacré aux violences conjugales commises sur les femmes − violences alors présentées comme un “meurtre de masse”. Les crimes conjugaux y étaient montrés comme ayant toujours les mêmes mécanismes, les mêmes systèmes de violence et de soumission des femmes. Et ces systèmes ne sont pas sans lien avec les mots utilisés pour les relayer dans les médias. Sophie Gourion, créatrice du Tumblr Les mots tuent, écrivait également une tribune où elle soulignait les euphémismes et justifications utilisés pour relayer les meurtres conjugaux, les violences conjugales et les viols. Et derrière, la déconsidération des victimes qui était effectuée, participant à perpétuer leur oppression.

“Crimes passionnels”, “drames familiaux” et autres “pétages de plomb” invisibilisent une violence systémique de genre, commise dans une société patriarcale où les hommes “considèrent les femmes comme leur propriété” selon l’association. Après avoir fait campagne sur le sujet en 2014, Osez le féminisme ! demande donc à nouveau la reconnaissance du féminicide en France, pour que ce “phénomène massif et mondial” ne soit plus “ignoré et banalisé”, que les victimes soient mieux protégées et aidées, et que les professionnel-le-s les accueillant (“police, justice, santé, éducation”) soient correctement formé-e-s pour que des féminicides soient évités, et “l’impunité des agresseurs […] remise en cause”. L’association, qui appelait déjà il y a trois ans à “reconnaître que le féminicide est un crime spécifique, un meurtre misogyne qui doit être reconnu et jugé comme tel”, conclut :

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“Combien de femmes devront mourir encore pour que l’État et nos sociétés réagissent vraiment ?”