L’État se donne le pouvoir de condamner sans juge
Pour prévenir l’auto-radicalisation, l’une des dispositions du projet de loi consiste à cibler une liste bien précise de sites que les fournisseurs d’accès à Internet devront bloquer “sans délai”, soit sans décision de justice. Sous couvert de protection contre le terrorisme, le gouvernement s’arroge des droits. Notez : “Le projet de loi permet le blocage administratif de sites internet faisant l’apologie du terrorisme ou y provoquant“, a déclaré le gouvernement dans son résumé du conseil des ministres de mercredi.
L’État se donne donc le droit de décider administrativement et “sans recourir à un juge ni à aucun processus contradictoire” comme le rappelle Numérama (au passage très remonté), d’un certain nombre d’adresses web que le gouvernement pourra fermer et, le cas échéant, où il sera désormais interdit de vous rendre sans faire l’objet de soupçons de terrorisme.
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Précrime
Un projet “anticonstitutionnel”
Le problème de ce projet de loi ? Le fait de pouvoir légiférer par anticipation, et non plus en réaction à des crimes commis. Jeudi 10 juillet, Alain Jakubowicz, président de la Licra, a manifesté son opposition à ce projet de loi dans les colonnes de Libération, le qualifiant d’anticonstitutionnel. “Sans élément objectif d’un commencement d’exécution d’acte criminel ou sans preuve d’une volonté délibérée d’un commettre un”, détaille l’avocat, il paraît “extrêmement compliqué” d’empêcher quelqu’un de quitter le territoire au motif qu’on le soupçonne de préparer un acte terroriste.
“Comment peut-on envisager une seule seconde restreindre la liberté de circulation d’un individu en se basant sur des soupçons ?” ajoute Jakubowicz dans Libé. “Honnêtement, c’est constitutionnellement impossible.”
Indigné, il décrypte :
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On se retrouverait dans la situation où les services de renseignement, le ministère de l’Intérieur, l’administration diraient aux juges : “Faites-moi confiance, je vous dis que cette personne est dangereuse”.
Côté Internet, le président de la Licra et ancien président du Crif n’est pas aussi frondeur. Il se dit “plus nuancé” sur la possibilité offerte par la nouvelle loi de contraindre les fournisseurs d’accès à fermer des sites faisant l’apologie du terrorisme. Même s’il met en garde contre “le risque d’ouvrir la boîte de Pandore et de menacer directement la liberté d’expression”, il estime :
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Les fournisseurs d’accès doivent sortir d’une certaine hypocrisie et épauler les avancées permettant de lutter contre les atteintes à la dignité, voire à la vie humaine
L’État à la place du juge
Lutter contre les djihadistes
Pour rappel, mercredi 9 juillet, le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve a déposé un projet de loi en conseil des ministres. Son objet ? Lutter contre le phénomène de candidats au jihad en Syrie. Pour ce faire, le gouvernement n’hésite pas : il s’agit “de resserrer au maximum les mailles du filet, de serrer tous les boulons possibles de la menace, tout en sachant que le risque zéro n’existe pas et qu’il est impossible de tout empêcher”, a expliqué à l’AFP une source proche du dossier.
Début juin, plus d’une centaine de personnes risquant de partir faire le djihad dans ce pays avaient été recensées à la suite de la création par le gouvernement d’un numéro vert et d’un site de signalement.
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