La mort tragique de George Floyd, étouffé par le genou d’un policier le 25 mai dernier, a été le drame de trop. L’Amérique s’est soulevée et rassemblée autour du mouvement Black Lives Matter, pour combattre les discriminations envers les Afro-Américains.
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Le hip-hop n’a cessé de dénoncer cette ségrégation bien ancrée dans l’histoire des États-Unis. Face à la situation actuelle, certains de ces morceaux cultes remontent dans les charts, preuve que la musique reste un moyen d’expression de choix pour mener un combat. On vous propose donc de redécouvrir huit morceaux récents de rap US qui ont donné de la voix à la cause afro-américaine.
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“Jermaine’s Interlude” – J. Cole ft. DJ Khaled
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“Ça te montre à quel point je suis stupide parce que des n*gros sont dehors en train de mourir / De la police qui allume sa sirène et s’arrête et commence à tirer.”
Dans ce morceau paru en 2016 dans l’album Major Key de DJ Khaled, J. Cole se retourne sur son existence en tant que rappeur issu de la communauté afro-américaine. En maniant une plume toujours aussi acerbe, le fondateur de Dreamville se confie pudiquement sur le sentiment d’impuissance qui l’anime. Alors qu’il est fatigué de fréquenter une industrie musicale gangrenée par des vautours prêts à vendre leur âme pour réussir, le rappeur prend conscience de la vanité de la vie d’artiste : tout l’argent qu’il gagne avec la musique n’empêche pas la police de tuer des Afro-Américains.
“Cops Shot the Kids” – Nas ft. Kanye West
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“Les gamins blancs sont amenés vivants / Les gamins noirs sont touchés par près de cinq [balles].”
“Cops Shot the Kids” est sans doute le morceau le plus marquant de Nasir, le onzième album studio de Nas, produit par Kanye West. Tout au long du titre, les deux légendes du hip-hop pointent du doigt et dénoncent les violences policières perpétrées depuis trop longtemps contre la communauté afro-américaine : “Le flic a tiré sur le gamin, la même vieille scène.” Le clip montre la fuite désespérée d’un jeune homme noir, qui tente d’échapper à la gâchette meurtrière des policiers.
Afin de renforcer leur propos, Nas et Kanye ont utilisé des références fortes : l’intro du morceau reprend un sketch satirique de l’humoriste Richard Pryor, et le refrain est un sample du morceau “Children’s Story” de Slick Rick, un autre titre évoquant les techniques expéditives de la police paru en 1988.
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“Pig Feet” – Terrace Martin ft. Denzel Curry, Daylyt, G Perico, Kamasi Washington
“Ils lui ont tiré dessus… Ils lui ont tiré dessus, ils lui ont tiré dessus… Ô mon Dieu il n’était même pas armé… Ô mon Dieu il n’était pas armé… Il n’était même pas… Ô Dieu… Il n’était pas armé.”
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Ce sont par ces cris déchirants que s’ouvre le morceau. Et quiconque ne se sent pas concerné prend conscience, avec le premier plan du clip, de la réalité avec ces lignes : “Les images qui illustrent cette chanson se déroulent juste de l’autre côté de votre fenêtre.” Les plans qui suivent cette introduction montrent des images brutales de violences policières contre des Afro-Américains, et des séquences fortes de personnes protestant contre ces injustices.
Le producteur Terrace Martin, Denzel Curry, Daylyt, G Perico et le saxophoniste Kamasi Washington se sont réunis dans ce morceau puissant, en réaction au meurtre de George Floyd. Les rappeurs décrivent les meurtres commis par la police, avec une froideur sans recul qui fait prendre toute la violence des discriminations raciales en pleine figure.
“Spiritual” – Jay-Z
“Je ne suis pas du poison, non je ne suis pas du poison / Juste un garçon de la rue / J’ai mes mains levées au ciel / Dans le désespoir ne tirez pas / Je veux juste faire le bien.”
Juillet 2016, Philando Castile et Alton Sterling, deux jeunes Afro-Américains, sont abattus par la police à un jour d’intervalle, le premier au Minnesota, le second en Louisiane. Ces deux drames font prendre conscience, une nouvelle fois, que le racisme des policiers contre la communauté noire est toujours un fléau criminel aux États-Unis. Dans la foulée de ces événements, Jay-Z dévoile le morceau “Spiritual” afin de rendre hommage aux victimes.
Comme il l’explique sur Twitter, Jay-Z avait en fait commencé à écrire le titre antérieurement. Punch, le boss de TDE, lui avait ensuite suggéré de le sortir après la mort de Mike Brown, un adolescent noir tué par la police en 2014. Le fondateur de Roc Nation avait alors refusé, en répondant tristement que “malheureusement, ce problème sera toujours d’actualité”. Deux ans plus tard, l’avenir lui donnait sinistrement raison.
“The Charade” – D’Angelo
“Tout ce que nous voulons, c’est une opportunité de parler / À la place on a seulement droit à un contour à la craie / Nos pieds ont saigné pour les millions de kilomètres qu’on a marché / Pour finalement révéler à la fin du jour, la charade.”
Sur son album de retour en 2014 Black Messiah, le chanteur légendaire D’Angelo propose un morceau explicitement politique, peut-être le plus politique de sa carrière. “The Charade” évoque la conscience d’être noir dans un milieu américain hostile et tout le combat pour les droits civiques au fil des années.
Invité en 2015 sur le plateau de Saturday Night Live, D’Angelo donne une interprétation exceptionnelle de “The Charade” avec son groupe The Vanguard portant des T-shirts aux slogans “I Can’t Breathe” et “Black Lives Matter”. Ce morceau important dans la discographie de D’Angelo a augmenté ses streams de plus de 157 % depuis le mouvement de révolte initié par le meurtre de George Floyd. La musique qui détient la vérité ne vieillit jamais.
“This Is America” – Childish Gambino
“Ici c’est l’Amérique / Ne te fais pas avoir par surprise / Regarde comment je vis maintenant / La police est en train de commettre des bavures.”
Certainement le meilleur clip de 2018. Une peinture sociale bouillonnante et sublime, l’Amérique dépeinte dans l’effervescence de ses vices les plus ignobles, et Childish Gambino qui danse, le sourire aux lèvres, tandis que le chaos se propage inexorablement autour de lui.
Chaque séquence de la vidéo est millimétrée, et pointe du doigt des vérités qui dérangent comme la quasi-sacralisation de l’arme à feu aux États-Unis, le massacre de l’église de Charleston, ou le quotidien de la communauté afro-américaine qui subit des violences chaque jour.
L’Amérique est un navire qui coule, et quand bien même on choisit de ne pas voir la tempête qui approche, la catastrophe finit fatalement par éclater. Comme le montre le dernier plan, il est alors trop tard pour s’enfuir d’une réalité qui nous poursuit inlassablement.
“Don’t Die” – Killer Mike
“Je deviens hors-la-loi même avant même que je ne me comporte mal / Et je meurs en homme libre avant même que je ne vive en esclave / Rien n’a changé s’ils m’arrêtent maintenant / ‘Nique la police’ reste la seule chose que j’ai à dire.”
En 2012, Killer Mike sort son album R.A.P. Music, entièrement produit par El-P et point de départ de leur duo Run the Jewels. Toujours engagé et conscient, Killer Mike délivre alors de nombreux messages politiques. “Don’t Die” est un titre très influencé par les débuts du gangsta rap, et notamment par N.W.A. et ses titres “Fuck the Police” ou encore “100 Miles ‘n Runnin'”.
Killer Mike y fait aussi le constat amer que quasiment rien n’a changé depuis l’époque électrochoc d’Ice Cube, Dr. Dre, Eazy E et MC Ren. Les violences policières sont toujours au même niveau, toujours impunies. Sans l’évoquer explicitement, “Don’t Die” parle du meurtre de Trayvon Martin par George Zimmerman quelques mois avant la sortie du disque. Juste parce qu’il portait un sweat à capuche. Au final, 8 ans après, “Don’t Die” est toujours extrêmement d’actualité, tout comme “Fuck the Police”.
“Alright” – Kendrick Lamar
“Tu le sais sûrement / On a déjà été blessé, mis à terre / N*gro, quand nous étions humiliés / Regardant le monde en se demandant ‘Où est-ce qu’on va ?’ / N*gro, et on déteste les flics / [Ils] veulent nous tuer dans la rue, c’est sûr / N*gro je suis à la porte du prêtre / J’ai les genoux qui flanchent et mon flingue pourrait tirer / Mais on va s’en sortir.”
On ne présente plus “Alright”, un des nombreux morceaux monuments de K-Dot. La froideur des couplets qui dépeignent le quotidien funeste des Afro-Américains, composé de discrimination meurtrière et de combats perpétuels, contraste avec l’optimisme du refrain. Kendrick Lamar rassure la communauté noire : malgré tous les morts qu’elle a pleurés, malgré toutes les humiliations qu’elle a subies, malgré l’enfer dans lequel elle est enfermée, elle va s’en sortir.
Le clip, réalisé par Colin Tilley, est taillé comme un véritable bijou esthétique, tant la photographie de chaque plan est sublime et lourde de symboles. Plongé dans une véritable guerre urbaine contre les policiers qui n’hésitent jamais à tirer à bout portant, Kendrick Lamar prend littéralement son envol, respirant à plein nez une bouffée d’espoir que lui refusent les démons à uniforme.