“Pourquoi j’ai décidé de quitter le Maroc”, la tribune de Loubna Abidar

Publié le par Inès Bouchareb,

A voir aussi sur Konbini

Dans une tribune parue dans le journal Le Monde, Loubna Abidar, héroïne du film Much Loved, raconte pourquoi elle a quitté le Maroc après son agression à Casablanca le 5 novembre 2015.
Dans une courte vidéo de 30 secondes, l’actrice marocaine Loubna Abidar affirmait, le 6 novembre dernier, avoir été victime d’une agression à Casablanca. Elle racontait alors que les cliniques dans lesquelles elle s’était rendue n’avaient pas voulu la soigner et que la police avait refusé de recevoir sa plainte. Peu de temps après ces évènements, l’actrice annonçait venir se réfugier en France.
C’est aujourd’hui dans une tribune parue dans le journal Le Monde, intitulée “Pourquoi j’ai décidé de quitter le Maroc”, que la comédienne s’exprime sur son choix et les raisons qui l’ont poussée à quitter son pays.
Elle entame cette tribune en parlant de Much Loved, film de Nabil Ayouch sur la prostitution au Maroc, qui n’a pas plu au gouvernement marocain et dont la diffusion a été interdite :

Publicité

Dans ce film, j’ai mis toute mon âme et toute ma force de travail. Le film a été sélectionné à Cannes. J’y étais, c’était magique. Mais dès le lendemain de sa présentation, un mouvement de haine a démarré au Maroc. Un ministre qui n’avait pas vu le film a décidé de l’interdire. Much Loved dérangeait, parce qu’il parlait de la prostitution, officiellement interdite au Maroc, parce qu’il donnait la parole à ces femmes qui ne l’ont jamais.

Publicité

“Tu finiras comme Abidar”

Elle raconte ensuite comment cette haine contre le film et son équipe s’est propagée sur les réseaux sociaux et dans son pays :

Publicité

Et une campagne de détestation s’est répandue sur les réseaux sociaux et dans la population. La violence augmentait de jour en jour, à l’encontre de Nabil “le juif” (sa mère est une juive tunisienne) et à mon encontre.
Je dérangeais à mon tour, parce que j’avais le premier rôle, parce que j’en étais fière, et parce que je prenais position ouvertement contre l’hypocrisie par des déclarations nombreuses. Mais rien n’a calmé la haine contre moi. Sur Facebook et Twitter, mon nom est associé à celui de “sale pute” des milliers de fois par jour. Quand une fille se comporte mal, on lui dit “tu finiras comme Abidar”.

L’actrice raconte ensuite son agression, la goutte d’eau qui l’a poussée à quitter le pays :

Ces derniers jours, le temps passant, la tension me semblait retombée. Alors jeudi 5 novembre, le soir, je suis allée à Casablanca à visage découvert. J’y ai été agressée par trois jeunes hommes. J’étais dans la rue, ils étaient dans leur voiture, ils m’ont vue et reconnue, ils étaient saouls, ils m’ont fait monter dans leur véhicule, ils ont roulé pendant de très longues minutes et pendant ce temps ils m’ont frappée sur le corps et au visage tout en m’insultant.

Publicité

Les médecins à qui je me suis adressée pour les secours et les policiers au commissariat se sont ri de moi, sous mes yeux. Je me suis sentie incroyablement seule… Un chirurgien esthétique a quand même accepté de sauver mon visage.

Et de conclure :

Au fond, on m’insulte parce que je suis une femme libre. Et il y a une partie de la population, au Maroc, que les femmes libres dérangent, que les homosexuels dérangent, que les désirs de changement dérangent. Ce sont eux que je veux dénoncer aujourd’hui, et pas seulement les trois jeunes qui m’ont agressée.

Publicité