Il y a quelques semaines, YouTube a proposé à Laetitia Nadji d’interviewer Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne. Cependant, des représentants de l’entreprise n’ont pas apprécié les questions qu’elle voulait lui poser, et lui ont fait savoir.
Publicité
Publicité
Le 15 septembre, la youtubeuse Laetitia Nadji a eu l’occasion de poser cinq questions au président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker. Cinq questions que YouTube a failli lui faire supprimer de son interview. Laetitia Nadji a une chaîne YouTube baptisée “Le corps, la Maison, l’esprit Laetitia“. Avec ses 65 000 followers et son implication sur certains sujets, notamment écologiques, elle a attiré l’attention de YouTube, qui lui a proposé d’organiser un entretien avec Jean-Claude Juncker. Mais alors que la youtubeuse pensait tourner cet entretien en interview politique, YouTube a cherché à l’en dissuader.
Plusieurs semaines avant l’entretien, elle avait appelé toute sa communauté à réfléchir sur des sujet à aborder pour cette interview. En dépit de son gros travail avant la rencontre, il s’avère que YouTube s’est octroyé un droit de regard sur ces questions, et a tenté de modifier, voire de supprimer, les demandes les plus gênantes ou les plus politisées. Après plusieurs mails infructueux échangés avec la multinationale, Laetitia Nadji a demandé à un ami de la filmer en caméra cachée lors d’un rendez-vous avec ce qui semble être un employé de l’entreprise (T-shirt siglé à l’appui).
Publicité
Dans cette vidéo, on entend cette personne menacer à demi-mot la vidéaste de nuire à sa carrière, si elle n’écoute pas les conseils de YouTube :
“À un moment, tu ne vas pas non plus te mettre à dos et la Commission européenne, et YouTube et tous les gens qui croient en toi à dos ! Enfin, sauf si tu ne comptes pas faire long feu sur YouTube mais…”.
La youtubeuse ne s’est pas démontée pour autant, et a tout de même gardé les questions qu’elle avait prévues, au risque d’être discriminée par la suite. Face à Jean-Claude Juncker, la jeune femme a posé de longues questions, en contextualisant chacun de ses propos mais en ne se privant pas de faire quelques remarques au passage, notamment sur le rôle des lobbies dans le fonctionnement des institutions européennes ou sur la non interdiction de certains produits polluants.
Publicité
Ainsi, elle a carrément remis en cause la légitimité de Jean-Claude Juncker à la tête de la Commission, en le comparant à un braqueur de banques : “Confier à quelqu’un qui a été le ministre des Finances [du Luxembourg] pendant 18 ans, [un pays qui est le] plus grand paradis fiscal en Europe, la mission de lutter contre l’évasion fiscale, est-ce que ça serait pas finalement comme désigner chef de police un braqueur de banque ?”
Très naturelle, n’hésitant pas à dire “Je ne comprends pas très bien“, elle a écouté attentivement le président de la Commission européenne répondre à chacune de ses interrogations. Celui-ci a même lâché à la fin de l’interview un “J’aurais voulu poursuivre !”
Désobéissance
Malgré les demandes de modifications, Laetitia Nadji a tout de même gardé sa chaîne et a pu publier l’interview complète de Jean-Claude Juncker – mise en ligne sur la chaîne YouTube d’Euronews. Ironie du sort, c’est depuis la plateforme de vidéos qu’elle a dénoncé la tentative de censure de l’entreprise. Google, qui possède YouTube, lui a même proposé un poste “d’ambassadrice de YouTube”, à la suite de son interview.
Publicité
Toutefois, elle soupçonne que cette proposition lui ait été faite par peur de représailles contre YouTube, de la part des internautes, en réaction aux pressions qu’elle a subies. Même s’il cela aurait pu être le “contrat de [sa] vie”, comme elle le dit, elle explique qu’au vu des événements elle n’a pu que refuser la proposition du géant du Web, ne souhaitant pas accepter un poste qui aurait pu n’être qu’un moyen de la faire taire.
Du côté de Google, la première réaction est d’abord parvenue à travers un communiqué, indiquant :
Publicité
“Laetitia a souhaité poser des questions difficiles au président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et, avant cet échange, nous a sollicités pour des conseils sur la manière de les formuler. Notre collègue l’a encouragée à privilégier le respect à la confrontation et comme l’atteste sa vidéo de l’interview, elle a eu l’opportunité de poser toutes les questions qu’elle avait préparées.”
Si le porte-parole de YouTube France nous a confirmé que les dires du conseiller étaient “malencontreux”, il nous a précisé que la proposition de devenir ambassadrice de YouTube allait dans la “continuité” des relations entre la plateforme de streaming vidéo et la youtubeuse :
“C’est une créatrice engagée, militante. On l’a fait intervenir cet été lors d’une tournée organisée par YouTube, au cours de laquelle elle est intervenue à deux étapes. Les discussions qu’on a pu avoir avec elle [au lendemain de l’interview de Jean-Claude Juncker, ndlr] s’inscrivaient dans la continuité de ce projet.”